Votre province est-elle prête pour un avenir sobre en carbone ?

L’économie du futur est sobre en carbone. De nouvelles études révèlent que certaines provinces pourraient être mieux préparées que d’autres à cette réalité à venir.

La transition mondiale vers une économie sobre en carbone s’accélère. Le Canada, l’Union européenne et la Chine (et potentiellement les États-Unis sous un gouvernement Biden) se sont tous engagés à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Les investisseurs commencent à tenir compte des changements climatiques dans leurs décisions, et le coût des technologies diminue, ce qui accélère la transition.

Le Canada sera placé devant des risques et des possibilités, et certaines de ses provinces seront dans une position qui leur permettra de profiter davantage de la nouvelle réalité sobre en carbone, et même d’y prospérer. Lesquelles sont prêtes à faire face à ces changements? Nous nous appuyons sur des données de notre nouveau rapport, 11 façons de mesurer la croissance propre, pour répondre à cette question.

Toutes les provinces ont fait du progrès, mais certaines évoluent plus rapidement que d’autres. Bonne nouvelle : dans son ensemble, le Canada parvient à séparer sa croissance économique des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui montre qu’il est possible de stimuler notre économie tout en s’attaquant aux changements climatiques. Mais le progrès n’est pas distribué également (figure 1). Voici quelques façons de le mesurer.

Figure 1 : Comparaison de la croissance du PIB et des émissions de GES des provinces, 2005-2018

Notre premier indicateur évalue le découplage de la croissance économique provinciale (mesurée par le produit intérieur brut, ou PIB) et des tendances d’émissions de GES (selon un indice normalisé). On pourrait considérer que les provinces où le découplage est plus important – la différence entre l’évolution du PIB et celle des émissions de GES entre 2005 et 2018 – sont mieux préparées à un avenir sobre en carbone. Elles devront toutefois maintenir la tendance pour suivre l’évolution mondiale. Parmi les provinces, le score de découplage observé varie d’à peine 2 pour Terre-Neuve-et-Labrador à 43 pour l’Île-du-Prince-Édouard.

En outre, des signes montrent un ralentissement du découplage des GES et du PIB entre 2016 et 2018. Durant ces trois années, les émissions ont augmenté en fonction du PIB dans toutes les provinces, à l’exception du Nouveau-Brunswick (figure 2).

Figure 2 : Changement dans les émissions de GES d’année en année par province, 2005-2018

Source : Environnement et Changement Climatique Canada, calculs de l’auteur.

Un autre indicateur, que nous appelons la productivité des GES, nous donne des données supplémentaires. Cet indicateur évalue l’importance de l’activité économique générée par tonne d’éq. CO2; plus le score est élevé, plus cette activité économique l’est aussi. Ainsi, la Saskatchewan, où l’on enregistre un score de 1, génère moins d’activité économique pour une quantité donnée d’émissions que le Québec, où le score est de 3,75.

La comparaison de l’emploi et des émissions de GES révèle également des différences interprovinciales. La Saskatchewan et l’Alberta génèrent chacune moins d’un nouvel emploi par tonne d’éq. CO2 (0,75 et 0,86 respectivement), alors que l’Ontario, l’Î.-P.-É., et le Québec génèrent plusieurs nouveaux emplois par tonne (4,39, 4,53 et 5,16 respectivement). 

Pour réduire leur vulnérabilité dans le contexte de la transition vers une économie sobre en carbone, les provinces peuvent accélérer le découplage des GES et de la croissance du PIB, augmenter la productivité des GES et réduire le lien entre l’emploi et les émissions de GES. 

Quatre conditions essentielles pour une économie sobre en carbone

Les différences interprovinciales s’expliquent entre autres par les ressources énergétiques et les structures économiques, mais des changements dans quatre secteurs clés pourraient contribuer au progrès. 

  1. Développement des technologies

Investir aujourd’hui dans des technologies sobres en carbone pourrait avoir des retombées favorables pour les provinces dans le futur. Ces technologies pourraient aider les entreprises à forte empreinte de carbone à réduire leurs émissions ainsi qu’à développer de nouvelles sources de croissance, d’exportations et d’emplois compatibles avec la transition vers une économie sobre en carbone. En Alberta et en Saskatchewan par exemple, on pourrait utiliser des technologies comme le captage et le stockage de carbone ou la production d’électricité géothermique, ou encore recourir à l’hydrogène comme carburant à faible teneur en carbone.

  1. Adoption des technologies

L’adoption de technologies propres peut jouer un rôle central dans le découplage des émissions et du PIB. Ces technologies peuvent réduire les émissions tout en stimulant la demande de technologies canadiennes. La réduction des émissions en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, surtout due à la production d’électricité par des méthodes à plus faible émission de carbone, n’a pas eu d’effets considérables sur la croissance économique. Toutes les provinces auraient avantage à adopter des technologies propres dans le secteur des transports, qui constitue à l’heure actuelle la plus importante source d’émissions dans bon nombre d’entre elles. Les technologies de remplacement des combustibles (véhicules, autobus et camions électriques ou à hydrogène) ont toutes le potentiel de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer la qualité de l’air, ainsi que d’accroître la demande de produits fabriqués au Canada. 

  1. Commerce et capacité concurrentielle

Le commerce de produits et services résilients et sobres en carbone est essentiel pour maintenir la capacité concurrentielle du Canada dans une économie sobre en carbone. Les exportations constituent l’une des principales sources de croissance économique et de création d’emplois, alors que les importations offrent des options à faible coût pour la lutte aux changements climatiques. À l’heure actuelle, le commerce de produits environnementaux et de technologies propres (ETP) représente environ 1,5 % (30 milliards de dollars) du PIB national; une augmentation modérée est enregistrée depuis 2012. L’Ontario est largement en tête, avec 13,7 milliards de dollars; il est suivi par le Québec (5,8 milliards de dollars) et la Colombie-Britannique (4,4 milliards de dollars). Toutes proportions gardées, c’est toutefois le Manitoba qui arrive en première place : le commerce d’ETP représente 2 % de son PIB (les importations étant plus importantes que les exportations).

  1. Infrastructures

Les infrastructures liées au climat seront cruciales pour la transition vers une économie sobre en carbone et pour la résilience aux changements climatiques, étant donné la durée de vie importante des infrastructures dans les secteurs de l’énergie, du transport et du bâtiment. Bien que les données manquent pour brosser un portrait complet des investissements dans les infrastructures, ce sont les investissements publics et privés en production hydroélectrique et en transport et en distribution d’électricité qui ont présenté les plus grandes augmentations entre 2009 et 2019. Ces données coïncident avec des tendances à la baisse dans l’intensité d’émission de la production électrique. Cependant, les investissements dans les énergies éolienne et solaire et dans les autobus ont diminué durant la même période. 

Se préparer à la croissance propre

Des signes nous montrent déjà clairement que l’économie mondiale de 2050 sera bien différente de celle d’aujourd’hui. Le Canada et ses provinces ont apporté des améliorations graduelles en vue d’une réduction des émissions, mais certaines d’entre elles pourraient être exposées à de plus grands risques dans le contexte d’une transition vers une économie sobre en carbone. Le développement et l’adoption des technologies, le commerce et les investissements dans les infrastructures seront les clés d’un avenir prospère sobre en carbone au Canada. 

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