La tarification du carbone au Canada : Principaux constats et recommandations

Le long chemin parcouru par le Canada pour parvenir à réduire les émissions de carbone s’est traduit par un ensemble remarquablement diversifié d’instruments politiques mis en œuvre aux niveaux fédéral, provincial et territorial. La tarification du carbone est un élément clé des efforts déployés à l’échelle du pays pour réduire considérablement les émissions.

Une première expertise indépendante sur la tarification du carbone au Canada témoigne des progrès réalisés par certains gouvernements. Elle témoigne aussi des changements indispensables à l’efficacité à long terme des mécanismes fédéraux, provinciaux et territoriaux dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Environnement et Changement climatique Canada a chargé l’Institut climatique du Canada de mener cette évaluation, qui s’inscrit dans l’un des engagements du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.

En plus d’une évaluation technique détaillée, l’Institut a produit et publié indépendamment un rapport sommaire complémentaire. Il fait état de cinq enjeux de la tarification du carbone au Canada. Il formule également des recommandations dans un souci d’amélioration continue. Notre évaluation porte sur cinq domaines: la réduction des émissions, un signal de prix transparent et à long terme, les effets sur la compétitivité et la délocalisation des émissions, les entreprises et les ménages vulnérables, et les communautés autochtones.

Cinq défis pour les mécanismes de tarification du carbone au Canada

De multiples sources d’émissions sont couvertes par certains programmes de tarification du carbone, mais pas par tous. Les principales différences proviennent d’une application inégale des exemptions du prix du carbone, basée sur les choix de conception des différentes administrations.

Nous estimons que l’incitatif lié au coût marginal, ou la valeur associée à la réduction des émissions d’une tonne au Canada, varie entre 16 et 41 dollars. Ce signal de prix inégal se produit malgré le filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone.

Les programmes de tarification du carbone pour les grands émetteurs du pays accordent gratuitement de grandes quantités d’émissions. Ils accordent également aux secteurs un traitement différent des coûts. Les différences de coûts ont des répercussions sur les risques de compétitivité au niveau national et international.

Le manque de transparence sur les principaux choix de conception est un thème commun à la plupart des mécanismes de tarification du carbone. Il n’est pas toujours facile de déterminer le véritable coût marginal incitatif. La manière dont les recettes sont recyclées vers les émetteurs ou utilisées pour soutenir les dépenses publiques est aussi difficile à déterminer.

La prévisibilité concernant les prix futurs du carbone améliorent également l’efficacité.

Cinq moyens d’améliorer la tarification du carbone au Canada

Pour favoriser l’efficacité et régler les questions de compétitivité et d’équité, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient travailler à l’élaboration d’une norme commune de couverture des émissions pour la tarification du carbone. Une telle norme établirait un niveau minimal de couverture pour les sources d’émissions. Elle tiendrait compte des pratiques exemplaires actuellement appliquées à travers les administrations du pays. Au minimum, elle retirerait certaines exemptions existantes et garantirait un traitement commun des émissions fugitives et associées à l’énergie et aux procédés dans les secteurs industriels.

Les remboursements au point de vente devraient être abolis et remplacés par une autre méthode répondant aux préoccupations concernant le revenu des consommateurs. Tout système de remboursement directement lié à l’achat de carburant ou au niveau d’émissions devrait être remplacé par une autre approche telle que des remboursements directs, une réduction d’impôts ou des subventions aux technologies de réduction.

Les programmes de grands émetteurs ont permis de répondre aux préoccupations en matière de compétitivité en réduisant le coût moyen de la politique. On pourrait améliorer la mise en œuvre en harmonisant les repères et les limites des sources d’émissions à l’échelle du pays. On pourrait réduire la quantité d’émissions gratuites accordées et en permettant l’échange de droits d’émissions et de crédits d’un territoire et d’une province à l’autre.

Trois priorités se dégagent pour les programmes de grands émetteurs. Le premier consiste à rendre les approches plus transparentes pour fixer les critères de référence qui déterminent la limite des sources d’émissions. Il s’agit d’aligner les critères de référence entre les juridictions et les secteurs. Il s’agit probablement d’un défi pluriannuel étant donné l’évolution constante des systèmes de tarification. Deuxièmement, les formules utilisées pour accorder des émissions gratuites doivent être mises à jour. Elles doivent inclure des facteurs qui réduisent la quantité d’émissions accordées gratuitement. Troisièmement, il est recommandé de permettre l’échange de crédits et d’émissions entre les juridictions. Étant donné que les coûts moyens pour les émetteurs nationaux augmentent, l’amélioration des liens commerciaux entre les juridictions nationales contribuerait à réduire les coûts.

Les mécanismes de tarification du carbone de tout le pays ne traitent pas les peuples autochtones de
manière uniforme. Dans certaines provinces et certains territoires, des communautés autochtones bénéficient d’exemptions sur le coût du carbone, tandis que d’autres doivent en assumer intégralement les coûts. Il faut poursuivre le dialogue pour s’assurer que les changements de politiques potentiels prennent explicitement en considération le traitement des Autochtones non inscrits et des communautés inuites, métisses et des Premières Nations autonomes, ainsi que des personnes autochtones qui résident dans une collectivité non autochtone.

Pour favoriser l’amélioration continue, il faut accroître la transparence de la collecte et de l’échange de données et de renseignements sur la tarification du carbone au sein des administrations. Il faut élaborer des méthodes communes pour comparer les coûts moyens imposés aux gros émetteurs. Il faut recueillir des données empiriques sur le rendement des mécanismes de tarification du carbone. Enfin, il faut procéder à des évaluations indépendantes de ces mécanismes coïncidant avec les cycles de production de rapports et d’évaluation des politiques des gouvernements.

La mosaïque de la tarification du carbone au pays ne constitue pas nécessairement un risque pour des réductions d’émissions à faible coût et équitables. L’approfondissement de la coopération fédérale, provinciale et territoriale qui a vu le jour grâce au Cadre pancanadien devrait être au cœur de ces améliorations. Les variations régionales peuvent et doivent être prises en compte, mais seulement si elles ne nuisent pas à l’efficacité de la tarification du carbone.

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