8 Énergie abordable

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Les politiques requises pour atteindre les objectifs climatiques du Canada auront une incidence directe et indirecte sur les budgets des ménages. Qu’il s’agisse de subventions aux rénovations écoénergétiques ou d’une hausse du prix de l’essence pour encourager l’utilisation de solutions moins polluantes, les ménages seront touchés par la transition vers une économie sobre en carbone. Même les politiques qui ciblent les entreprises et les industries peuvent avoir des répercussions sur les ménages en jouant sur le prix de certains biens, comme les véhicules ou la nourriture. Les politiques peuvent aussi être bénéfiques pour les revenus des ménages, par exemple en prévoyant le remboursement des recettes du prix du carbone ou en agissant sur les types d’emploi et leur disponibilité.

Statistique principale 8 : Part des dépenses totales des ménages consacrée aux besoins énergétiques

Ces coûts et ces avantages sont toutefois souvent répartis inéquitablement. Dans certains cas, les politiques d’atténuation, comme les subventions au transport en commun ou les remboursements fondés sur le revenu, peuvent améliorer le sort des ménages à faible revenu. Mais les politiques ont parfois un effet régressif, touchant de façon disproportionnée ceux qui ont le moins de moyens et accentuant les inégalités existantes.

Les politiques climatiques ne peuvent pas régler des problèmes socioéconomiques complexes et profondément enracinés, mais elles peuvent à tout le moins éviter que les personnes ayant peu de moyens soient placées dans une situation encore plus précaire. Dans bien des cas, il est possible de s’attaquer simultanément aux enjeux climatiques et sociaux.

Les gouvernements peuvent prendre des mesures afin de concevoir des politiques équitables. Le suivi des coûts et des répercussions pour les ménages permet aux décideurs d’observer les conséquences concrètes des politiques climatiques dans un contexte de vulnérabilités existantes et d’évaluer l’abordabilité des biens et des services. Ces données peuvent donc les aider à s’orienter et à s’adapter en conséquence. Bien sûr, les politiques climatiques ne peuvent pas régler des problèmes socioéconomiques complexes et profondément enracinés, mais elles peuvent à tout le moins éviter que les personnes ayant peu de moyens soient placées dans une situation encore plus précaire. Dans bien des cas, il est possible de s’attaquer simultanément aux enjeux climatiques et sociaux.

Pour évaluer l’effet de répartition des politiques climatiques, nous nous penchons sur les trois catégories de dépenses énergétiques des ménages les plus susceptibles d’être touchées par des politiques d’atténuation : la consommation d’énergie domestique, les carburants de transport et le transport en commun. La figure 8.1 montre la part (moyenne) que représentent ces dépenses pour chaque quintile de revenu entre 2010 et 2017.1

Selon les données, les ménages des deuxième, troisième et quatrième quintiles de revenu consacrent une plus grande part de leur budget aux dépenses énergétiques, et pourraient donc être plus vulnérables à une hausse de ces dépenses. Ces trois quintiles comprennent les ménages de classe moyenne inférieure à supérieure; ils vivent généralement dans des maisons de banlieue de taille moyenne à grande et possèdent parfois plusieurs véhicules, deux facteurs qui entraînent des dépenses énergétiques plus élevées.

Les politiques climatiques ont probablement eu une certaine incidence sur l’évolution des dépenses des ménages avec le temps, mais les conséquences globales ne sont pas claires. La réglementation visant à réduire les émissions de GES attribuables à la production d’électricité a notamment exercé une pression à la hausse sur les tarifs dans certaines provinces (Doluweera et al., 2018). De même, les exigences d’ajout de biocarburants à l’essence et au diesel ont fait augmenter le prix de l’essence à la pompe (Commission de l’écofiscalité du Canada, 2016). Simultanément, l’amélioration des normes d’efficacité énergétique (pour les véhicules, les appareils ménagers, les ampoules, les chaudières, etc.) et les remboursements ou subventions aux ménages ont aidé à réduire les factures d’énergie, sans toutefois figurer explicitement dans les données; pensons notamment aux remboursements dans les provinces et territoires où s’applique le prix du carbone fédéral. Notons que chacune de ces politiques a aidé le Canada à réduire ses émissions de GES.

D’autres facteurs influencent aussi les tendances illustrées dans la figure 8.1. Pour la période couverte, les dépenses énergétiques totales des ménages ont augmenté pour tous les quintiles, sauf le quintile inférieur. Toutefois, puisque les dépenses totales des ménages (c.-à-d. le total des autres dépenses) ont augmenté plus rapidement, la part consacrée à l’énergie a diminué.2 Par ailleurs, les fluctuations mondiales du prix des produits de base, la hausse de la consommation énergétique et les préférences des consommateurs ont aussi une incidence sur les dépenses des ménages. Le prix du gaz naturel et de l’essence affiche par exemple une tendance à la baisse depuis 2014, tandis que le prix de l’électricité a quant à lui généralement augmenté (Régie de l’énergie du Canada, 2017).

  1. Ces dépenses comprennent la consommation totale d’énergie et de chauffage domestique (électricité, gaz naturel, mazout domestique), les carburants de transport (essence, diesel) et les transports en commun (billets d’autobus, de transport en commun rapide, de métro ou de train de banlieue). Nous avons inclus les transports en commun afin d’établir une comparaison juste pour les ménages n’utilisant pas de véhicule privé.
  2. La hausse des dépenses totales reflète probablement une hausse des revenus et des dettes.
  3. Le seuil de 10 % pour la pauvreté énergétique a été établi par B. Boardman (1991). Il correspond aux ménages qui dépensent plus de deux fois le montant médian pour l’énergie domestique et les carburants de transport. Même si ce seuil a été établi dans les années 1990 au Royaume-Uni, il est tout de même pertinent pour le Canada. Nous ne connaissons pas les dépenses médianes des ménages, mais le ménage moyen a consacré environ 7 % de ses dépenses totales à l’énergie domestique, aux carburants de transport et aux transports en commun. Puisque la médiane est probablement moins élevée que la moyenne, un seuil de 10 % correspondrait sans doute au double de la médiane canadienne.