Introduction

Les gouvernements du monde entier doivent relever un éternel défi dans leur lutte contre les changements climatiques : atteindre l’adéquation entre les politiques à court terme et les objectifs à long terme. Le Canada ne fait pas exception. La planification à long terme des politiques est d’autant plus difficile que les échéanciers associés aux cibles s’étendent bien au-delà des cycles électoraux.

Les cadres de responsabilisation climatique– comme ceux mis en œuvre du Manitoba à Aotearoa/Nouvelle-Zélande, en passant par le Royaume-Uni – leur offrent une solution. En effet, en plus de décomposer les cibles à long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en cibles intermédiaires, un tel cadre définit clairement des structures et des processus de gouvernance qui font le lien entre ces cibles intermédiaires et les politiques adoptées. En outre, il responsabilise le gouvernement quant à l’application de ces politiques en exigeant des bilans réguliers et transparents, des rapports d’étape et, si nécessaire, des plans d’action pour corriger le tir.

Actuellement, le Canada n’a pas de cadre fédéral de responsabilisation climatique mis en place. Cependant, la lettre de mandat du ministre de l’Environnement et du Changement climatique de 2019 engage le ministre à créer un plan fixant des cibles juridiquement contraignantes de cinq ans, fondées sur l’avis des experts et des consultations menées auprès des Canadiens. À noter, qu’à ce jour, des cadres provinciaux de responsabilisation climatique ont été légiférés en Colombie-Britannique et au Manitoba.

Le présent rapport explore les modalités possibles d’application des cadres de responsabilisation climatique au Canada. Dans le contexte canadien, un cadre de responsabilisation climatique doit absolument tenir compte du partage des compétences entre les différents ordres de gouvernement.

Certaines provinces, territoires, collectivités autochtones et municipalités se sont également donné des cibles climatiques, des politiques et même, dans certains cas, des cadres de responsabilisation. Le tout est d’autant plus complexe que souvent, les pouvoirs et les compétences des gouvernements fédéral et provinciaux ne tiennent pas compte du droit des Autochtones à l’autodétermination. La lutte contre les changements climatiques exigera une collaboration et une concertation sans précédent entre tous les ordres de gouvernement du pays. Les individus, les entreprises et le secteur privé s’attendent à ce que les gouvernements travaillent de concert pour aiguiller le Canada vers l’atteinte de ses cibles à long terme.

Le Canada peut compter sur des bases solides : des processus existants – l’établissement de cibles, la production de rapports et leur divulgation, la consultation et l’élaboration de politiques – font partie intégrante d’une responsabilisation climatique efficace. Certaines provinces donnent également un exemple précieux : le Manitoba, par exemple, a mis en place une législation sur la responsabilisation climatique, la Loi sur la mise en œuvre du plan vert et climatique, et la Colombie-Britannique a fait de même en modifiant sa loi sur la responsabilisation quant aux changements climatiques (Climate Change Accountability Act).

La conception de cadres de responsabilisation dans la fédération canadienne pose quand même des questions uniques. À quel niveau les cibles intermédiaires doivent-elles être définies : à l’échelle nationale, infranationale ou sectorielle? Comment les cibles intermédiaires pour l’atteinte des cibles à long terme doivent- elles être définies? Qui doit être responsable de la mise en œuvre des politiques nécessaires à leur atteinte : le gouvernement fédéral, les autres ordres de gouvernement, ou une combinaison des deux?

Selon notre analyse, les cadres de responsabilisation climatique peuvent constituer un outil majeur pour les gouvernements. Ils peuvent en effet favoriser une responsabilisation accrue et une cohérence des politiques en établissant des liens explicites entre les cibles à long terme et les plans et mesures à court terme, en constituant un forum pour les débats politiques difficiles, et en donnant un pouvoir accru aux citoyens engagés et aux parties prenantes grâce à la production de rapports clairs et accessibles.

Mais attention, les cadres de responsabilisation climatique ne sont pas une panacée, même si on les conçoit selon les pratiques exemplaires et en les adaptant au contexte canadien. Ils ne peuvent garantir ni la stabilité des politiques, ni l’adoption par les gouvernements de politiques conformes aux cibles à long terme. En d’autres mots, les cadres de responsabilisation ne remplacent pas les politiques climatiques elles- mêmes, mais servent plutôt de processus pour élaborer ces politiques et corriger le tir.

L’adoption d’un cadre de responsabilisation climatique au Canada pourrait créer des conditions favorables à l’adoption de bonnes politiques. En favorisant la transparence et la reddition de comptes, un tel cadre pourrait constituer une étape cruciale sur la voie de l’adoption par de multiples ordres de gouvernement de politiques rigoureuses, bien conçues et coordonnées. Il pourrait donner lieu à des incitatifs institutionnels poussant les gouvernements à rendre leurs politiques plus cohérentes – et plus audacieuses – avec le temps.

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