3: À la recherche d’un passage sûr : buts et objectifs pour le Canada

En tant que pays nordique tributaire du commerce, le Canada est particulièrement vulnérable aux perturbations et aux changements mondiaux, découlant à la fois des changements climatiques et de la décarbonisation mondiale. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre d’avoir des certitudes ou d’espérer un résultat précis. Nous devons nous prémunir contre de multiples scénarios et être prêts pour les changements inévitables.

Bref, nous devons rechercher un passage sûr à travers la tempête. Pour y arriver, nous avons besoin d’un équipage en santé et fort (Canadiens prospères), ainsi que d’un navire robuste et agile (prospérité économique). Et nous devons également faire tout ce qui est en notre pouvoir pour calmer les eaux, en travaillant à l’échelle internationale pour réduire collectivement les émissions ainsi qu’atténuer les chocs économiques et sociétaux (action mondiale).

La complexité et l’envergure des changements climatiques font que nous ne pouvons pas envisager les défis isolément. Cette section présente un nouveau cadre intégré pour résister à la tempête et même s’y adapter le mieux possible. Elle énonce trois buts de haut niveau et dix objectifs précis qui, ensemble, recadrent la politique climatique canadienne (Tableau 2). Le cadre établit un lien plus direct entre les mesures axées sur la réduction des émissions (atténuation), la saisie de possibilités de technologies propres (croissance propre), ainsi que la préparation aux impacts climatiques (adaptation) davantage liées au bien-être des générations de Canadiens actuelles et futures. Cette approche plus large aide à situer et préciser les choix de politiques en définissant des objectifs communs à l’échelle des gouvernements et au sein de ceux-ci.

3.1 LES CANADIENS ÉVENTUELS

Nous savons que les risques et les possibilités liés aux changements climatiques ne seront pas répartis également. Ceux qui sont les plus vulnérables subiront le plus gros des impacts négatifs, et ceux qui sont privilégiés saisiront la plupart des possibilités. En fait, les impacts distributifs des changements climatiques seront probablement plus importants que les impacts agrégés à l’échelle nationale. La mesure dans laquelle nous réussirons à bâtir un avenir où les Canadiens s’épanouiront dépendra de la façon dont nous aborderons quatre objectifs clés : (1) Canadiens en santé, (2) Canadiens résilients, (3) Écosystèmes durables, et (4) Équité intergénérationnelle.

ENCADRÉ 7: UNE APPROCHE NOVATRICE POUR SUIVRE LA PROPAGATION DE LA MALADIE DE LYME

Les chercheurs d’Ouranos ont cartographié la propagation potentielle de la maladie de Lyme au Québec à l’aide d’un modèle de l’habitat futur prévu de la souris à pattes blanches, l’hôte préféré de la tique à pattes noires qui porte la bactérie de la maladie de Lyme. En comparant les caractéristiques de l’habitat actuel de la souris à pattes blanches, comme la végétation, la température moyenne, la couverture neigeuse et la longueur de l’hiver, avec la modélisation des conditions futures des changements climatiques, les chercheurs ont projeté l’expansion nordique de l’espèce au cours du temps. Cela permet de prédire la propagation probable de la maladie de Lyme. Les gouvernements peuvent utiliser cette information pour avertir les résidents et les visiteurs du risque.

Source: Ouranos (2013).

Objectif 1 : Canadiens en santé – gérer les risques et améliorer les résultats

La santé figure toujours au premier rang des priorités des Canadiens (AMC, 2019). Cependant, de nombreux Canadiens ne connaissent pas les risques que les changements climatiques posent pour leur santé, ni les solutions qui pourraient améliorer leurs résultats en matière de santé.

Les changements climatiques exacerberont les problèmes de santé préexistants au Canada, comme le vieillissement de la population, les taux élevés de diabète, les problèmes de santé mentale et l’augmentation des coûts de santé (ICIS, 2015, 2017). Les vagues de chaleur, par exemple, sont particulièrement dangereuses pour les Canadiens âgés et ceux qui ont des problèmes de santé préexistants. Les changements climatiques pourraient accroître la menace des maladies transmises par les moustiques, les puces et les tiques, comme la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental, entraînant une augmentation accrue des coûts des soins de santé (Hierlihy, 2017). Tous ces risques pour la santé augmentent considérablement à mesure que les températures moyennes mondiales augmentent.

ENCADRÉ 8 : AMÉLIORER LA SANTÉ ET LES RÉSULTATS SCOLAIRES DES ENFANTS

Les caravanes d’autobus scolaires dont le moteur tourne au ralenti et les polluants atmosphériques concentrés à l’intérieur des autobus exposent les enfants à des niveaux élevés d’émissions de diesel. Les jeunes enfants sont plus vulnérables aux effets de la pollution atmosphérique sur les poumons et le coeur, car ils respirent plus d’air par rapport à leur poids corporel. Des études ont également établi un lien entre la pollution atmosphérique et les mauvais résultats scolaires.

Les autobus scolaires électriques offrent la possibilité d’éliminer le risque d’émissions pour les enfants, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Les commissions scolaires de la Californie et du Québec ont commencé à faire la transition. Alors qu’un autobus électrique peut coûter jusqu’à 200 000 $ de plus qu’un autobus diesel, les coûts d’exploitation sont 10 fois moins élevés. Comme les autobus peuvent parcourir environ 120 kilomètres après une charge de 4,5 heures, ils sont idéaux pour les itinéraires d’autobus scolaires. Le Canada possède également ses propres fabricants d’autobus scolaires électriques. La Compagnie Électrique Lion, par exemple, fournit un parc de 14 autobus scolaires électriques à Montréal, au Québec, qui réduiront les émissions de GES de près de 4 000 tonnes sur la durée de vie des véhicules.

Sources : CBC News (2017); CBC News (2016); Gouvernement du Canada (2017); Santé Canada (2016); Perara (2017); Torrie Smith Associates (2005); Wargo (2002); La Compagnie Électrique Lion (2018); Smart Cities World (2018).

Si les collectivités ne sont pas préparées, les phénomènes météorologiques extrêmes pourraient aussi avoir des répercussions importantes sur la santé physique et mentale des Canadiens. Par exemple, l’inhalation de fumée provenant d’incendies de forêt provoque une réaction du système immunitaire qui entraîne une inflammation systémique, créant des problèmes dans tout le corps, y compris le cerveau. Les personnes âgées, les jeunes et les personnes souffrant de problèmes de santé préexistants comme l’asthme ou l’emphysème sont particulièrement vulnérables (Ferreras, 2019; Reid et coll., 2016).

Les chercheurs canadiens ont amélioré leur compréhension des risques des changements climatiques pour la santé, mais l’information pourrait être mieux canalisée vers des mesures qui améliorent grandement les résultats. Les collectivités et les travailleurs de la santé doivent mieux comprendre l’interaction des risques avec d’autres facteurs. De l’information plus détaillée sur les risques pourrait habiliter les personnes à prendre eux-mêmes des mesures de protection (Encadré 7). Les stratégies d’intervention à la suite d’événements météorologiques extrêmes pourraient mieux refléter les risques pour la santé physique et mentale. Les municipalités pourraient également jouer un rôle plus proactif dans la protection des personnes à risque, par exemple en établissant de nouvelles normes de gestion de la neige et de la glace pour réduire le risque de chutes et les répercussions de l’isolement sur la santé mentale.

Bon nombre des options visant à réduire les émissions de GES et les polluants climatiques à courte durée de vie, comme le carbone noir, peuvent également engendrer d’importants avantages pour la santé. La réduction de l’utilisation de combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel peut également réduire la pollution atmosphérique, qui est liée aux maladies cardiaques, aux accidents vasculaires cérébraux, aux maladies pulmonaires obstructives chroniques, au cancer du poumon, ainsi qu’aux infections respiratoires aiguës (Organisation mondiale de la Santé, 2019). La pollution atmosphérique de l’air produite par les autobus scolaires diesel a aussi une incidence sur la capacité des enfants à se concentrer en classe (Encadré 8). Le passage à l’électricité peut améliorer à la fois les émissions de GES et les résultats pour la santé.

Questions qu’on doit se poser pour appuyer les Canadiens en santé :

  • Comment les changements climatiques influeront-ils sur la santé des Canadiens?
  • Dans quelle mesure les politiques existantes protégeant les Canadiens contre les risques pour la santé sont-elles liées aux changements climatiques?
  • Comment pouvons-nous saisir au mieux les possibilités d’améliorer les résultats pour la santé et de lutter contre les changements climatiques?

Objectif 2 : Canadiens résilients – protéger, appuyer et habiliter les personnes vulnérables

Les mesures prises par le Canada en matière de changements climatiques devraient, à tout le moins, viser à s’assurer que la situation des Canadiens vulnérables ne soit pas pire qu’elle ne l’est actuellement. Idéalement, elles mèneront à de meilleurs résultats à l’avenir pour tous les Canadiens.

Qui sont les Canadiens vulnérables? Ils vivent dans la pauvreté ou ont de faibles revenus; ils sont âgés et jeunes; ils ont des problèmes de santé ou des handicaps; ils vivent dans des collectivités rurales, nordiques ou autochtones; ils dépendent des systèmes de soutien social; ils sont des immigrants récents; ils travaillent dans des secteurs à fortes émissions; ils vivent près des forêts, des rivières ou des côtes du Canada. Cela comprend la grande majorité des Canadiens.

Cependant, la vulnérabilité ne suppose pas la faiblesse. En fait, bon nombre des personnes vulnérables aux changements climatiques sont des Canadiens forts et ingénieux (Cameron, 2012). C’est l’ampleur des changements auxquels ils sont confrontés – combinée à d’autres défis et histoires – qui les rend vulnérables. Le problème est que nous ne disposons pas toujours des données ou de l’analyse nécessaires pour comprendre les risques particuliers auxquels ils sont exposés ou pour savoir comment tirer profit des forces existantes afin d’améliorer la résilience.

Les Canadiens vulnérables seront touchés de façon disproportionnée par les changements climatiques, et les risques pour ces Canadiens augmentent avec la gravité des changements climatiques mondiaux. Aux États-Unis, par exemple, la recherche a commencé à explorer les différences dans les dommages causés par les changements climatiques entre les pays en fonction du revenu (Encadré 9). D’autres études se sont penchées sur les impacts distributifs des catastrophes naturelles et leurs répercussions sur les femmes en particulier (Gouvernement du Canada, 2019). Une étude, par exemple, a révélé que les femmes à faible revenu et les femmes d’ascendance afro-américaine avaient subi de façon disproportionnée les impacts de l’ouragan Katrina puisqu’elles n’avaient nulle part où aller quand elles ont été forcées de quitter leur foyer (Butterbaugh, 2005). À l’échelle internationale, on s’intéresse de plus en plus à l’adoption d’une approche analytique intersectionnelle et fondée sur le sexe qui tient compte des impacts des changements climatiques sur une gamme de vulnérabilités préexistantes (Kaijser et Kronsell, 2014; Gouvernement du Canada, 2019).

Certains Canadiens peuvent être plus vulnérables que d’autres à la perte d’emploi dans une économie à faibles émissions de carbone, que ce soit en raison de l’évolution des marchés mondiaux ou de la politique intérieure. Bien qu’à l’heure actuelle, seulement 0,8 % de la population active du Canada soit en chômage pendant plus d’un an, les personnes les plus à risque de chômage de longue durée sont normalement les hommes, les personnes âgées et les personnes ayant un faible niveau de scolarité (OCDE, 2019b; Indice canadien du mieux-être, 2016). Les travailleurs des secteurs à fortes émissions de carbone et les collectivités qui dépendent de ces secteurs pourraient courir un plus grand risque si le monde passe rapidement à une économie à faibles intensités de carbone. Environ 200 000 travailleurs, soit un peu plus de 1 % de la main-d’oeuvre canadienne, dépendent directement des industries des combustibles fossiles au Canada (Mertins- Kirkwood, 2018).

ENCADRÉ 9 : LES RÉGIONS LES PLUS PAUVRES SONT LES PLUS DUREMENT TOUCHÉES PAR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Des chercheurs américains ont eu recours à la climatologie, à l’analyse économétrique et aux modèles de processus pour analyser les risques futurs liés aux changements climatiques dans six domaines : agriculture, criminalité, tempêtes côtières, énergie, mortalité humaine et travail. Au niveau national, ils indiquent des coûts d’environ 1,2 % du PIB par 1 °C d’augmentation de la température moyenne mondiale. Toutefois, le risque n’est pas réparti également. D’ici la fin du XXIe siècle, le tiers le plus pauvre des comtés des États-Unis subirait des dommages allant de 2 % à 20 % du revenu du comté dans un scénario d’émissions normales.

Source : Hsiang et coll. (2017).

La planification de la transition peut aider à réduire les risques et à créer de nouvelles possibilités. Les communautés autochtones, par exemple, seront touchées de manière disproportionnée par les changements climatiques, mais certaines ont commencé à bénéficier de l’expansion de leurs projets d’énergie propre (Encadré 10). Des programmes ciblés de formation professionnelle et d’éducation pourraient également permettre aux populations vulnérables de trouver un emploi dans les biens, les technologies ou les services à faibles émissions de carbone.

Pour protéger les Canadiens vulnérables, il faut mettre davantage l’accent – tant dans les processus de recherche que d’élaboration de politiques – sur les risques auxquels ils sont exposés. Il faut aussi intégrer des points de vue plus diversifiés provenant de partout au Canada. Pour aller de l’avant, nous avons besoin de meilleures données sur les vulnérabilités, ainsi que d’analyses des impacts plus désagrégées, plus nuancées et davantage axées sur l’humain.

ENCADRÉ 10 : DÉFIS ET POSSIBILITÉS POUR LES COMMUNAUTÉS AUTOCHTONES CANADIENNES

Les changements climatiques auront des répercussions disproportionnées sur les collectivités autochtones et nordiques du Canada et pourraient avoir des répercussions futures sur leurs droits issus de traités. D’importantes activités culturelles comme la chasse, la pêche et la cueillette de nourriture pourraient être touchées par des changements écosystémiques comme la fonte de la glace de mer. Un grand nombre de peuples et de communautés autochtones –particulièrement dans le Nord du Canada – dépendent également de l’environnement naturel pour leur alimentation et leur subsistance. Les phénomènes climatiques extrêmes et le dégel du pergélisol exacerberont les défis actuels tels que la pauvreté, le logement, ainsi que l’accès à l’eau potable et aux transports, qui ont tous des liens complexes et profondément enracinés avec le colonialisme et la discrimination systémique.

Cependant, certaines communautés tirent profit de nouvelles possibilités. Un sondage mené par Lumos Clean Energy Advisors a révélé que les Autochtones participent à 152 projets d’énergie propre de moyenne à grande envergure, ainsi qu’à 1 200 petits projets d’énergie renouvelable en cours, et que beaucoup d’autres sont prévus. On estime que les projets ont fourni 15 300 années-personnes d’emplois directs autochtones. Les projets locaux dans les communautés autochtones peuvent aussi aider à abandonner l’énergie au diésel, ce qui améliore les résultats de santé et l’abordabilité à long terme.

Sources : Assemblée des Premières Nations (2019); Conseil des académies canadiennes (2019); Conseil des académies canadiennes (2014); ECCC (2019a); Van Tassel (2019); TRNEE (2009); EDSC (2018).

Questions qu’on doit se poser pour appuyer
les Canadiens résilients :

  • Quelles sont les personnes les plus vulnérables aux impacts du climat changeant et comment sont-elles vulnérables?
  • Quelles sont les personnes les plus vulnérables aux transitions économiques liées à la décarbonisation mondiale et nationale?
  • Quelles politiques pourraient protéger les Canadiens les plus vulnérables contre les risques liés aux changements climatiques?
  • Quelles politiques pourraient aider les Canadiens vulnérables à saisir les possibilités qui se présentent en réponse aux changements climatiques?

Objectif 3 : Écosystèmes durables – préserver le fondement du bien-être humain

Les écosystèmes durables protègent les actifs naturels qui sous-tendent notre économie et notre société. Les écosystèmes sont le fondement du bien-être humain – ils sont essentiels à notre économie, notre santé et notre culture (Tableau 3). Ils fournissent de la nourriture, des matières premières, de l’eau douce et des médicaments.

Ils contribuent également à rafraîchir les climats locaux, filtrer les polluants de l’air et de l’eau, ainsi qu’à limiter l’impact des inondations et des ondes de tempête. Les oiseaux, les chauves-souris, les mouches, les guêpes, les grenouilles et les champignons, par exemple, aident à lutter contre les ravageurs et les maladies à transmission vectorielle (TEEB, 2019). Les écosystèmes sont les domiciles, les aires de nidification et les sources de nourriture pour la faune du Canada, et ils soutiennent les loisirs et le tourisme. Les peuples autochtones ont également un lien spirituel fort avec la terre et toutes les choses qui y vivent (Assemblée des Premières Nations, 2019).

ENCADRÉ 11 : LA VALEUR DES TOURBIÈRES

Les tourbières – un type de milieu humide – fournissent un habitat et de la nourriture aux espèces, filtrent l’eau et aident à limiter les risques d’inondation. Les tourbières stockent également plus de carbone que tous les autres types de végétation combinés, ce qui contribue à atténuer les changements climatiques. Les tourbières endommagées, par contre, sont une source d’émissions de gaz à effet de serre. Les tourbières drainées contribuent à plus de 5 % des émissions mondiales de CO2 causées par les humains. Les feux de forêt et le dégel du pergélisol peuvent aussi transformer les tourbières d’un puits en une source d’émissions.

Au Canada, 12 % de notre territoire est constitué de tourbières (principalement des tourbières et des marais). Bien que certaines provinces déploient des efforts pour protéger ces précieux écosystèmes, le Canada n’a pas d’inventaire national ni de programme de surveillance des terres humides. Depuis les années 1800, le Canada a perdu de 80 % à 90 % de ses terres humides à l’intérieur et autour des zones habitées. Les pertes et la dégradation se poursuivent en raison du développement, de l’agriculture, des inondations hydroélectriques, de la pollution, des espèces envahissantes, des loisirs, du pâturage et des changements climatiques.

Les efforts de protection et de restauration déployés par les gouvernements et les organismes sans but lucratif peuvent ralentir cette tendance s’ils sont suffisamment importants. En 2018, par exemple, une série d’accords conclus entre le gouvernement tribal de Tallcree, Conservation de la nature Canada, les gouvernements de l’Alberta et du Canada et Syncrude Canada ont mené à la création du parc provincial Birch River Wildland, qui fait maintenant partie de la plus vaste étendue de forêt boréale protégée au monde. L’entente vise également à régler des questions de longue date concernant la réconciliation et les droits issus de traités, car elle conférera aux communautés autochtones la responsabilité de la gestion et de la préservation du parc.

Sources : Ressources naturelles Canada (2016); GFGPT (2010); Fédération canadienne de la faune (2013); UICN (2019); Conservation de la nature Canada (2018); Athabasca Watershed Council (2018).

Les écosystèmes naturels sont essentiels pour faire face aux changements climatiques. Les arbres et les milieux humides absorbent le dioxyde de carbone, ce qui contribue à réduire la concentration des émissions de GES dans l’atmosphère. Certaines études montrent que la nature pourrait contribuer à plus de 30 % des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre l’objectif d’émissions mondiales nettes nulles en 2050 (Wu, 2019). Comptant 9 % des forêts et 30 % des tourbières de la planète, le Canada est responsable d’une proportion importante des réserves mondiales de carbone (CCMF, 2018; Fédération canadienne de la faune, 2013).

Des écosystèmes dynamiques et sains peuvent également jouer un rôle central dans l’adaptation aux changements climatiques. Les arbres et les espaces verts ont un effet rafraîchissant qui peut réduire les effets sur la santé durant les vagues de chaleur, particulièrement dans les grandes villes. Les zones humides et les forêts peuvent aider à limiter les inondations et les ondes de tempête. La végétation peut aider à prévenir l’érosion du sol.

Malheureusement, toutefois, la valeur des écosystèmes n’est souvent pas bien comprise ou tenue en compte dans la prise de décisions. Les précieuses connaissances écologiques autochtones ne sont pas souvent prises en compte (Robbins, 2018; Conseil des académies canadiennes, 2014). À l’échelle mondiale, et au Canada, les écosystèmes naturels sont détruits, dégradés et réduits par l’activité humaine à une échelle sans précédent, ce qui met en péril les avantages inestimables qu’ils procurent aux humains. Un rapport récent des Nations Unies (2019a), par exemple, constate une réduction de 47 % de l’étendue et de l’état des écosystèmes par rapport à ce qu’ils auraient été en l’absence d’activité humaine.

Les services écosystémiques du Canada sont également vulnérables aux changements climatiques – particulièrement dans les scénarios à fortes émissions – et nécessitent des efforts supplémentaires pour les protéger et les restaurer (Encadré 11). Les forêts, par exemple, peuvent souffrir de la fréquence et de l’intensité accrues des feux de forêt, des infestations d’insectes, ainsi que des changements climatiques et des régimes de précipitations (Ressources naturelles Canada, 2017). Les lacs, les rivières et les aquifères peuvent se détériorer en raison de précipitations trop abondantes ou trop faibles, ce qui influence la disponibilité et la qualité de l’eau. Les risques pour les pollinisateurs, les sols et l’eau peuvent se combiner pour influer sur la disponibilité et le coût des aliments. Le dégel du pergélisol et les feux de tourbières peuvent également dégager des émissions de gaz à effet de serre, ce qui aggrave les changements climatiques.

Questions qu’on doit se poser pour appuyer les Écosystèmes durables :

  • Comment les écosystèmes peuvent-ils contribuer aux efforts d’atténuation et d’adaptation du Canada?
  • Quels services écosystémiques précieux sont menacés par les changements climatiques?
  • Quelles politiques pourraient améliorer la contribution des écosystèmes aux efforts de lutte contre les changements climatiques?

Objectif 4 : Équité intergénérationnelle – tenir compte de la jeunesse et des futurs Canadiens

Nos descendants sont l’avenir du Canada. Ils sont notre héritage et souvent notre inspiration. Est-il juste de les accabler avec les impacts des changements climatiques? Les décisions que nous prenons aujourd’hui ne devraient-elles pas refléter leurs préoccupations et leurs besoins? L’équité intergénérationnelle examine comment les coûts et les avantages peuvent être répartis plus équitablement au cours du temps.

Comme l’illustre la Section 2, les risques climatiques augmenteront avec le temps, et les coûts augmenteront vers la fin du siècle selon tous les scénarios d’émissions. Dans une trajectoire d’émissions mondiales élevées, les coûts et les risques pour la santé deviennent dévastateurs au milieu du siècle (OCDE, 2015b). Bien que de nombreux décideurs actuels ne soient peut-être pas vivants dans la seconde moitié du siècle, les décisions que nous prenons aujourd’hui influenceront l’ampleur des impacts sur les jeunes et les générations futures, tant sur le plan des résultats mondiaux que sur celui de la préparation du Canada.

Cependant, la plupart des décisions pertinentes se concentrent largement sur des critères à court terme. Les entreprises se concentrent sur des résultats trimestriels positifs pour les actionnaires. Les gouvernements se concentrent sur la mise en oeuvre de politiques qui s’inscrivent dans les cycles électoraux. Et la nature humaine pousse la plupart d’entre nous à se concentrer sur l’ici et maintenant, au lieu de ce qui peut arriver. En réaction à la nature à court terme de la prise de décisions, un mouvement mondial de jeunes a pris un élan considérable (Encadré 12).

ENCADRÉ 12 : UNE VOIX CROISSANTE POUR LES SANS-VOIX

Des décennies de politiques climatiques insuffisantes, conjuguées à une prise de conscience croissante des risques futurs de l’inaction, ont déclenché un mouvement mondial de jeunes sur les changements climatiques. Le mouvement a commencé avec une jeune Suédoise de 15 ans en 2018, Greta Thunberg. Elle a commencé à manquer l’école pour protester contre l’absence de mesures climatiques adéquates de la part du gouvernement suédois. En 2019, les élèves de quelque 2 300 écoles du monde entier ont participé à des grèves scolaires, dans quelque 130 pays.

Bien que les demandes des jeunes varient d’un bout à l’autre de la planète, l’objectif commun des grèves est d’obtenir des mesures climatiques plus ambitieuses, responsables et agressives. Les hauts fonctionnaires de l’ONU ont depuis lors adopté le langage du mouvement de jeunesse en pleine expansion, déclarant que « la justice climatique est une justice intergénérationnelle ».

Au Canada, un groupe de jeunes Québécois a intenté une action collective contre le gouvernement fédéral pour ce qu’ils soutiennent être un échec dans la lutte aux changements climatiques. Le groupe ENvironnement JEUnesse soutient que les moins de 35 ans sont privés de leur droit à un environnement sain et subiront davantage les effets des changements climatiques que les générations plus âgées.

Sources : Nations Unies (2019b); Irfan (2019), Marin (2019).

Certains processus décisionnels gouvernementaux tiennent compte des impacts à long terme. Au niveau fédéral et dans certaines provinces, les décideurs évaluent les règlements à l’aide d’estimations des coûts et des avantages sur plus de 30 ans. L’optique climatique pour les investissements fédéraux dans les infrastructures exige également que l’on tienne compte des émissions et des impacts des changements climatiques sur la durée de vie de l’actif (Infrastructure Canada, 2018).

Pourtant, malgré ces progrès, la plupart des acteurs publics et privés ne tiennent pas suffisamment compte des répercussions à long terme. Il est rare que nous tenions compte, par exemple, des impacts au-delà de 30 ans. La plupart des analyses à long terme ne tiennent pas compte des impacts futurs, accordant plus d’importance aux considérations à court terme. L’éventail des avantages et des coûts pris en compte est aussi généralement limité et évalue rarement les impacts cumulatifs sur la qualité de vie globale des générations futures. Pour réellement atteindre l’équité intergénérationnelle, nous devons mieux penser à long terme ainsi que tenir compte du bien-être des jeunes et des générations futures dans nos décisions.

Questions qu’on doit se poser pour appuyer l’Équité intergénérationnelle :

  • Quels sont les impacts potentiels des changements climatiques sur la qualité de vie des jeunes et des générations futures?
  • Comment devrions-nous équilibrer les coûts et les avantages aujourd’hui par rapport aux coûts et aux avantages pour les générations futures?
  • Comment pouvons-nous mieux intégrer les intérêts des générations futures dans la prise de décisions à court terme?

3.2 PROSPÉRITÉ ÉCONOMIQUE

Le bien-être des Canadiens est inextricablement lié à la vigueur de l’économie canadienne. La croissance économique soutient l’emploi et le revenu. Pour assurer la prospérité économique face aux changements, il faut à la fois gérer les risques et saisir les possibilités. Trois objectifs sont intimement liés aux changements climatiques et à l’économie : (1) la compétitivité à faibles émissions de carbone; (2) la résilience climatique; (3) le rapport coût-avantage.

Objectif 5 : Compétitivité à faibles émissions de carbone – se préparer à l’évolution des marchés mondiaux

La compétitivité à faibles émissions de carbone signifie d’être bien positionné pour soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux qui commencent à reconnaître les contraintes liées aux émissions de GES. Elle est importante pour maintenir la compétitivité des industries existantes face aux nouvelles conditions du marché, mais aussi pour positionner les entreprises canadiennes afin qu’elles puissent tirer profit des marchés pour les nouveaux produits et services émergents à faibles émissions de carbone.

Bien que la décarbonisation mondiale ne soit pas le seul défi auquel font face les entreprises canadiennes, ces tendances posent un risque particulier pour les secteurs à fortes émissions de carbone et représentent une occasion croissante de produire de nouvelles sources de revenus et de nouveaux emplois. Les entreprises qui s’adaptent, innovent et réagissent aux tendances peuvent en ressortir plus fortes qu’elles ne l’étaient auparavant, mais celles qui sont lentes à changer peuvent être laissées pour compte.

Malgré des améliorations constantes, le Canada demeure vulnérable, surtout si le monde se décarbonise rapidement. Les secteurs clés de notre économie sont relativement à forte intensité d’émissions (c.-à-d. qu’ils ont de fortes émissions produites par unité de production), et nous avons une grande proportion d’emplois liés aux secteurs à fortes émissions de carbone (Statistiques de l’OCDE, 2019a). La Banque du Canada craint que les prix des actifs ne reflètent pas les risques liés au carbone en raison d’un manque d’information sur l’exposition au carbone, d’un mauvais alignement des mesures incitatives, ainsi que de la difficulté à rendre compte d’événements incertains et complexes dans l’avenir (Banque du Canada, 2019).

Les entreprises canadiennes ont également été lentes à adopter des innovations qui pourraient réduire leurs coûts de réduction des émissions (GTTIPE, 2016). En 2017, seulement 10 % des entreprises canadiennes ont déclaré utiliser des technologies propres (Statistique Canada, 2019c).

Par conséquent, l’économie canadienne fait face à des risques importants si l’économie mondiale se décarbonise rapidement. Les pressions exercées pour réduire rapidement les émissions – en raison de l’évolution des préférences des investisseurs ou des mesures commerciales liées à la teneur en carbone des biens – entraîneraient des coûts élevés et des problèmes de compétitivité, en particulier pour les régions et les secteurs à forte intensité d’émissions. À l’échelle internationale, de nombreuses entreprises commencent à mesurer et à prendre en compte explicitement les risques liés au carbone en réponse aux préoccupations des investisseurs et aux directives publiées par le Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière international (Encadré 13) (Financial Stability Board, 2019). Cependant, rares sont ceux qui intègrent pleinement les risques et les possibilités liés aux changements climatiques dans leurs stratégies commerciales de base (CDP, 2018).

ENCADRÉ 13 : ANALYSE COMPARATIVE : PORTEFEUILLE DU SECTEUR PÉTROLIER À FAIBLES ÉMISSIONS ET RÉSILIENT

L’approche élaborée par Wood Mackenzie, un groupe mondial de recherche et de consultation sur l’énergie, les produits chimiques, les énergies renouvelables, les métaux et l’exploitation minière, est un exemple de mesure du risque pour un avenir à faibles émissions de carbone au niveau des entreprises. Elle utilise deux mesures pour évaluer la résilience des sociétés pétrolières et gazières à faibles émissions de carbone. La première est une mesure de l’efficacité carbone, définie comme la valeur actualisée nette par tonne de CO2. La deuxième est une mesure de la résilience des prix du pétrole et du gaz, mesurée comme la marge de trésorerie post-capex. Elle mesure le niveau relatif de production de flux de trésorerie en amont par unité de production.

Shell, par exemple, est considérée comme relativement résiliente. Elle a élaboré de façon proactive une stratégie à long terme de résilience à la transition énergétique mondiale, en utilisant ses propres scénarios d’avenir pour éclairer la prise de décisions. Sa stratégie fournit une assurance aux investisseurs et aux actionnaires préoccupés par l’exposition de l’entreprise aux risques liés au carbone.

Avant 2030, la stratégie de Shell est axée sur la diversification de son portefeuille, l’amélioration du rendement en matière de CO2 et le maintien d’un cadre financier solide. Les secteurs d’activité de Shell comprennent le pétrole et le gaz classiques, l’eau profonde, le schiste argileux, le gaz intégré, les produits pétroliers, les produits chimiques et les nouvelles énergies dans les secteurs de l’énergie et des carburants. Shell est également présente dans plus de 70 pays, notamment le Canada. Les projets individuels intègrent des options à faibles émissions de carbone, comme l’utilisation de l’électricité plutôt que du gaz naturel dans une usine de traitement de la Colombie-Britannique. Chaque année, Shell teste son portefeuille selon différents scénarios et prix du CO2 pour cerner les vulnérabilités.

Après 2030, Shell est beaucoup plus ambitieuse et vise à réduire l’empreinte carbone de son portefeuille de produits énergétiques sur l’ensemble de son cycle de vie d’environ la moitié de sa valeur actuelle d’ici 2050. Elle s’engage à rendre compte chaque année de son empreinte carbone nette afin de mesurer les progrès réalisés. Dans la pratique, cela pourrait se traduire par l’implantation de grands parcs éoliens et de biocarburants en mer, l’augmentation de la proportion de gaz produit par rapport au pétrole, une utilisation accrue du captage et du stockage du carbone (en s’appuyant sur son usine Quest en Alberta), ainsi que la plantation de grandes surfaces de forêt pour compenser les émissions qui restent.

Sources: Wood Mackenzie (2018); Shell (2019).

Le Canada peut également tirer profit des possibilités offertes par l’évolution des marchés mondiaux. Le secteur canadien des technologies propres a connu une croissance constante au cours de la dernière décennie. Il a apporté 58 milliards $ au produit intérieur brut (PIB) canadien en 2017, avec un taux de croissance moyen de 3,9 % entre 2007 et 2017, comparativement à un taux global de croissance économique de 2,2 % (Peters, 2019; Statistique Canada, 2018a). Les exportations de technologies, de biens et de services propres ont augmenté de près de 50 % au cours de la même période, soit plus du double de la croissance des exportations des autres secteurs (Statistique Canada, 2019b).

Cependant, il se peut que le secteur n’exploite pas tout son potentiel, de nombreuses entreprises ayant mentionné des obstacles permanents au financement, à la commercialisation et à la croissance (GTTIPE, 2016; Felder et Gouvela, 2018). Étant donné que les possibilités d’investissement dans les seules économies émergentes sont estimées à 23 billion $ US entre 2016 et 2030, il est essentiel de s’attaquer rapidement à ces obstacles pour permettre aux entreprises canadiennes de soutenir la concurrence (Encadré 14).

ENCADRÉ 14 : POSSIBILITÉS LIÉES AU CLIMAT DANS LES ÉCONOMIES ÉMERGENTES

Une analyse de la Société financière internationale du Groupe de la Banque mondiale a révélé des possibilités d’investissement de 23 billions de dollars entre 2016 et 2030, provenant d’engagements liés au climat dans 21 économies émergentes représentant 62% de la population mondiale et 48% des émissions mondiales de GES.

Possibilités
d’investissement
RégionBillions de $US (2016-2030)
Bâtiments
écologiques
Asie de l’Est16
Transport
durable
Asie du Sud2,6
Infrastructures
résilientes au
climat
Asie du Sud2,2
Énergie propreAfrique0,78
Efficacité
énergétique et
transport
Europe de l’Est0,67
Sources
renouvelables
Moyen-Orient et Afrique du Nord0,27

Source : Société financière internationale (2016).

L’amélioration de la compétitivité à faibles émissions de carbone de l’économie canadienne exigera une forte poussée de l’innovation dans les domaines où le Canada a des risques liés au carbone ou pourrait être concurrentiel à l’échelle internationale. Et bien que le Canada ait fait des progrès, l’ampleur de nos efforts est faible comparativement à d’autres pays, qui utilisent les marchés intérieurs comme tremplin vers le succès international (Encadré 15). Certains des ingrédients clés sont : la certitude et la souplesse des politiques climatiques du gouvernement; l’évaluation et la divulgation des risques et des possibilités climatiques; la réalisation d’investissements importants dans la recherche, le développement et la démonstration; le financement pour mettre à l’échelle et commercialiser les innovations; l’acquisition de compétences et de systèmes éducatifs solides; des infrastructures habilitantes; les marchés publics (Institut pour l’IntelliProspérité, 2018).

Questions qu’on doit se poser pour renforcer la Compétitivité à faibles émissions de carbone du Canada :

  • Dans quelle mesure l’économie canadienne est-elle exposée aux risques liés à la décarbonisation?
  • Quelles sont les possibilités qui s’offrent au Canada dans le cadre de la transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone?
  • Les politiques existantes sont-elles bien ciblées et à la bonne échelle pour gérer les risques liés au carbone et saisir les possibilités?

ENCADRÉ 15 : LA CHINE PRÉVOIT DOMINER LES MARCHÉS DE L’ÉNERGIE ET DE L’AUTOMOBILE DE L’AVENIR

Depuis plus d’une décennie, la Chine s’est positionnée pour réussir sur le marché de l’électricité renouvelable et des véhicules électriques, prête à saisir les possibilités créées par l’abandon des combustibles fossiles dans le monde. Grâce à une combinaison de subventions, d’investissements dans les infrastructures et de réglementations strictes, la Chine stimule une forte demande intérieure qui alimente la croissance des entreprises de plus en plus concurrentielles à l’échelle mondiale. En 2017, par exemple, la Chine représentait 99% du marché mondial des autobus électriques. La ville de Shenzhen compte à elle seule 16 000 autobus électriques, dont 80 % sont fournis par le fabricant chinois BYD. Bloomberg New Energy Finance s’attend à ce que près de 80% des parcs d’autobus municipaux mondiaux soient électriques d’ici 2040.

Sources : BNEF (2019; 2018; 2017); GCGET (2019); Niu (2019);
Ren (2018).

Objectif 6 : Résilience climatique – se préparer aux risques climatiques directs et indirects

La résilience climatique signifie de préparer l’économie à résister aux risques associés aux changements climatiques dans divers scénarios futurs. Parallèlement, cela signifie aussi d’être prêt à tirer profit des possibilités où elles se trouvent.

Dans quelle mesure le Canada est-il résilient au climat? Le Canada se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste du monde et, en tant que petite économie ouverte, il est vulnérable aux ralentissements économiques mondiaux, aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’aux fluctuations des prix des produits de base liées aux changements climatiques (ECCC, 2019a). Pourtant, notre niveau de préparation est imprécis. Les données et l’analyse des risques sont inégales parmi les secteurs et les régions du Canada (GERARCC, 2018). Il y a toutefois de fortes indications que nous devons faire davantage (Encadré 16).

ENCADRÉ 16 : INDICATEURS D’UNE PRÉPARATION INSUFFISANTE AUX RISQUES CLIMATIQUES

  • Seulement 31 % des sociétés cotées en bourse au Canada divulguent les risques physiques liés aux changements climatiques dans les dépôts réglementaires (CPAC, 2017).
  • Seulement 58 % des propriétaires d’infrastructures publiques essentielles incluent un élément de risque lié aux changements climatiques comme facteur de prise de décisions pour les infrastructures essentielles (Statistique Canada, 2018b).
  • Les pertes assurées découlant de phénomènes météorologiques catastrophiques ont dépassé le milliard de dollars par année au cours de huit des neuf années comprises entre 2009 et 2017, comparativement à une moyenne de 400 millions $ par année de 1983 à 2008 (les valeurs sont en dollars de 2017, corrigées en fonction de l’inflation et de l’accumulation de richesse par habitant) (Moudrak et coll., 2018).
  • La part fédérale annuelle moyenne des coûts d’intervention et de rétablissement en cas de catastrophe naturelle a atteint 360 millions $ pour 2011-2016, comparativement à 110 millions $ pour 1996-2010 (en termes nominaux) (Sécurité publique Canada, 2017).

L’information sur les risques physiques directs pour le Canada, comme les changements de température et de précipitations, s’est progressivement améliorée grâce à des initiatives comme le Centre canadien des services climatiques et le Pacific Climate Impacts Consortium. Pourtant, l’information sur les risques physiques ne suffit pas à elle seule pour stimuler les mesures nécessaires à l’adaptation et à l’amélioration de la résilience de l’économie. Le Groupe d’experts sur les risques et le potentiel d’adaptation liés aux changements climatiques a cerné les principaux secteurs de risques climatiques auxquels le Canada est confronté qui pourraient entraîner des pertes, des dommages ou des perturbations graves au cours des 20 prochaines années. Ces risques comprennent les dommages aux infrastructures et la perturbation des services gouvernementaux, ainsi que les pertes financières dans des secteurs clés comme l’agriculture, les pêches et la foresterie. Leurs travaux ont souligné le besoin de recherches et d’analyses supplémentaires pour combler les lacunes dans la compréhension des liens complexes et interreliés entre les changements climatiques, l’économie et la société (Conseil des académies canadiennes, 2019).

En 2019, la Colombie-Britannique a publié sa première évaluation stratégique des risques climatiques à l’échelle provinciale. Elle a d’abord dressé une liste des événements de risque qui auraient des conséquences importantes à l’échelle provinciale. Elle a ensuite évalué la probabilité de chaque scénario d’événements de risque, ainsi que les conséquences potentielles, pour établir une cote de risque globale pour chaque événement. Les graves saisons d’incendies de forêt et pénuries d’eau saisonnières ont été classés parmi les plus élevés (MECCS, 2019). Bien que l’approche n’ait pas permis d’établir une estimation quantitative de l’impact économique potentiel des changements climatiques, elle a aidé à préciser les risques et déterminer les secteurs prioritaires.

Certaines études internationales ont tenté de quantifier les risques économiques des impacts climatiques à l’aide de modèles climatiques et économiques exhaustifs. Bien que de telles analyses ne tiennent pas compte de tous les impacts possibles, elles peuvent aider à cerner les principaux enjeux et la façon dont ils peuvent interagir dans l’ensemble de l’économie (Benzie et coll., 2018). Par exemple, l’analyse pourrait porter sur les perturbations des infrastructures commerciales causées par les inondations et les feux de forêt, les impacts des canicules sur la productivité des travailleurs, la possibilité d’une augmentation de la demande touristique, ainsi que les répercussions de l’évolution des marchés agricoles mondiaux sur les agriculteurs. Une évaluation exhaustive des risques économiques donne une image plus complète des risques et des possibilités économiques directs et indirects aux échelles nationale, régionale et sectorielle, notamment les interactions et les effets de rétroaction (Encadré 17).

ENCADRÉ 17: ÉVALUATIONS EXHAUSTIVES DES RISQUES CLIMATIQUES EN AUTRICHE

En 2015, l’Austrian Climate and Energy Fund a financé un projet de recherche visant à élaborer une évaluation économique à l’échelle nationale des répercussions négatives et positives potentielles des changements climatiques selon trois scénarios. Le projet consistait en 18 équipes de recherche portant sur 13 domaines d’impact, dont l’agriculture, la foresterie, l’approvisionnement en eau et l’assainissement de l’eau, le tourisme, l’énergie, la construction et le logement, la santé humaine, les services écosystémiques, les transports, la fabrication, les villes, les risques naturels, ainsi que la gestion des risques de catastrophe. L’analyse a utilisé une approche uniforme dans l’ensemble du domaine d’impact, ce qui a permis aux chercheurs de saisir les liens intersectoriels et les effets à l’échelle de l’économie. L’organisme a également entrepris une analyse complémentaire des impacts non marchands.

L’étude a détaillé l’impact sur le PIB de l’Autriche jusqu’en 2065, tout en soulignant des questions importantes au niveau sectoriel. Par exemple, l’analyse prévoyait que le tourisme s’améliorerait en été, mais diminuerait en hiver, ce qui aurait d’importants effets de rétroaction sur le reste de l’économie. Elle prévoyait que les secteurs manufacturier et commercial feraient face à des coûts importants en raison de l’augmentation des besoins de refroidissement, de l’impact des conditions météorologiques extrêmes sur les réseaux de transport, ainsi que de la perte de productivité de la main-d’oeuvre pendant les vagues de chaleur.

Source: Steininger et coll. (2015).

L’amélioration de la résilience aux changements climatiques exigera une meilleure information et une meilleure analyse, ainsi que des efforts accrus de la part des entreprises et des gouvernements pour utiliser cette information afin d’évaluer leurs propres vulnérabilités spécifiques, ainsi que d’élaborer des mesures adaptées. Au niveau local, les collectivités canadiennes commencent déjà à intégrer la résilience à la planification et à la prise de décisions. La ville de Vancouver, par exemple, a mis à jour sa stratégie d’adaptation en 2018 pour mettre l’accent sur les principaux secteurs d’impact, l’incorporation, ainsi que l’intégration des activités et des services municipaux (Encadré 18).

La préparation au pays peut aussi aider le Canada à saisir les occasions qui se présentent sur la scène internationale. Par exemple, les pertes de récoltes dans d’autres régions du monde pourraient entraîner une augmentation de la demande de cultures canadiennes résilientes. L’expertise canadienne pourrait aussi aider d’autres pays à améliorer leur propre résilience. Le Canada est déjà un chef de file dans le domaine de la technologie de l’eau, ce qui pourrait être un avantage alors que les pénuries d’eau liées aux changements climatiques stimulent la demande en matière d’économie, de recyclage et de dessalement de l’eau.

Questions qu’on doit se poser pour améliorer la Résilience climatique du Canada :

  • Dans quelle mesure l’économie canadienne est-elle exposée aux impacts directs et indirects des changements climatiques, et quels sont les secteurs et les régions les plus vulnérables?
  • De quelle information et de quel renforcement de la capacité additionnels avons-nous besoin pour permettre une adaptation meilleure, plus large et plus rapide?
  • Quelles sont les possibilités économiques pour le Canada dans un climat changeant?
  • Quelles politiques permettraient d’améliorer la résilience aux changements climatiques?

ENCADRÉ 18 : LA STRATÉGIE D’ADAPTATION DE LA VILLE DE VANCOUVER MET L’ACCENT SUR L’INCORPORATION ET L’INTÉGRATION

La ville de Vancouver a mis à jour sa stratégie d’adaptation aux changements climatiques en 2018, en recentrant les mesures dans cinq domaines clés et en intégrant l’adaptation dans l’ensemble de ses activités et services. Elle cherche aussi à accroître l’intégration avec d’autres efforts et à tenir compte des répercussions sur l’équité. La mise à jour s’appuie sur de nouvelles projections climatiques à plus petite échelle pour Vancouver, qui indiquent des hivers plus humides et plus chauds ainsi que des étés plus chauds et plus secs. Par exemple, les besoins de refroidissement des bâtiments devraient quadrupler d’ici 2050.

L’un des principaux domaines d’action de la stratégie est l’« infrastructure à l’épreuve du climat », avec des plans visant à améliorer la compréhension du débit d’eau dans la ville ainsi qu’à intégrer la gestion des infrastructures vertes et grises, des parcs et des espaces publics. Un autre domaine est « Bâtiments résilients au climat », qui met l’accent sur l’imperméabilité future du parc immobilier. D’autres domaines se concentrent sur la préparation du littoral, les zones naturelles et les communautés préparées.

Source : Ville de Vancouver (2019).

Objectif 7 : Coût-avantage – faire des choix judicieux en cours de route

Les objectifs 5 et 6 énoncent deux éléments clés – la compétitivité et la résilience – pour la prospérité économique. Mais les façons dont nous atteindrons ces objectifs sont également importantes. Particulièrement, certaines solutions coûtent plus cher que d’autres. Les mesures ou les politiques qui réduisent les risques ou engendrent des possibilités à un coût très élevé peuvent se retourner contre elles; elles peuvent miner la croissance et la compétitivité internationale tout en exacerbant les vulnérabilités sociétales. Le choix de solutions plus rentables – et l’élimination progressive des solutions coûteuses et inefficaces – est également un élément clé pour soutenir la croissance économique du Canada.

L’innovation est un facteur clé du rapport coût-avantage. L’innovation dans les technologies ou les procédés peut aider à réduire les coûts de la réduction des émissions ou de l’adaptation aux changements climatiques, surtout avec le temps. Elle peut aussi produire de nouvelles possibilités, compensant les coûts de la transition. Bien que les entreprises et les particuliers jouent un rôle clé dans l’élaboration et l’adoption d’innovations, les gouvernements peuvent favoriser l’innovation en s’appuyant sur des politiques plus souples et en créant les bons incitatifs à l’innovation (Popp, 2016).

L’efficacité tend également à réduire les coûts. En consommant moins d’énergie, on peut non seulement réduire les émissions, mais aussi économiser de l’argent (Encadré 19). La réduction de la consommation d’eau est un moyen rentable de réduire les risques liés aux pénuries d’eau saisonnières. Trouver des moyens de réutiliser, de réparer ou de recycler les produits peut permettre d’économiser de l’argent tout en réduisant les émissions associées à la production et au transport de nouveaux produits.

ENCADRÉ 19 : UNE ENTREPRISE DE FABRICATION DE PRODUITS MÉTALLIQUES RÉALISE DES ÉCONOMIES D’ARGENT

Veriform, une entreprise de fabrication de produits métalliques à forte intensité d’émissions de Cambridge, en Ontario, a réduit son empreinte carbone de 77 % entre 2006 et 2019 grâce à plus de 100 mesures d’économie d’énergie. Cela est d’autant plus remarquable que ses effectifs ont augmenté de 30 % et qu’elle a doublé la taille de son bâtiment au cours de cette période.

Ces changements ont contribué à réduire les émissions, mais ils ont aussi amélioré les résultats financiers de l’entreprise. Ses ventes par kilowattheure d’énergie consommée ont triplé. Certaines des mesures étaient simples, comme éteindre les lumières la nuit et réduire la température du chauffe-eau. D’autres ont nécessité des prises de décisions différentes lorsqu’il était temps d’investir dans de nouvelles machines, choisissant des modèles qui consomment moins d’énergie.

L’un des principaux facteurs de changement a été la collecte de données et les calculs exhaustifs effectués par l’entreprise pour mesurer les émissions et les économies de coûts. Cela a amené l’entreprise à conclure que chaque tonne d’émissions éliminée se traduit par des économies de 900 $.

Source : Craig-Bourdin (2019).

Le choix du moment est un autre élément important du rapport coût-avantage. Le fait d’apporter rapidement des changements drastiques rend difficile l’adaptation des entreprises et des travailleurs. Mais trop tarder à apporter des changements peut aussi augmenter les coûts. Cela est particulièrement vrai pour les infrastructures à longue durée de vie. Si nous ne construisons pas les infrastructures nécessaires pour résister aux impacts climatiques futurs et aux tendances de la décarbonisation, les coûts augmenteront en fin de compte. Il est généralement moins coûteux d’apporter des modifications au moment de la construction que de rénover ou de remplacer des structures existantes. La Ville de Vancouver, par exemple, s’efforce d’évaluer les grands projets d’immobilisations en fonction des dangers et des risques climatiques connus pour appuyer la prise de décisions (Ville de Vancouver, 2019).

Des politiques gouvernementales plus rentables entraînent des mesures moins coûteuses. Lorsqu’ils réfléchissent à des options stratégiques, les gouvernements devraient tenir compte non seulement de toute la gamme des avantages environnementaux, sociaux et économiques, mais aussi de la gamme complète des coûts. On peut tirer de nombreuses leçons de l’expérience en matière de politiques au Canada et ailleurs dans le monde, afin d’aider à améliorer le rapport coût-avantage des approches stratégiques.

Le Canada a-t-il fait du bon travail jusqu’à maintenant pour favoriser une transition rentable? Pourrions nous faire plus? Sans indicateurs complets, la réponse est floue. Au niveau national, le PIB du Canada a continué d’augmenter au cours de la dernière décennie de politiques climatiques accrues, et les provinces ayant plus d’une décennie d’expérience en politiques ont connu une forte croissance (Statistique Canada, 2019a; Monahan et McFatridge, 2018b).

Cependant, il semble que nous n’ayons pas encore saisi toutes les possibilités rentables. Un rapport publié en 2018 soulignait l’important potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique au Canada d’ici 2050 (IEA, 2018b). Par ailleurs, le Canada a toujours affiché un rendement inférieur à celui de ses pairs en ce qui concerne les paramètres de l’innovation, y compris l’innovation propre (OCDE, 2017). De plus, les gouvernements n’évaluent pas toujours globalement le rapport coût-avantage d’une gamme d’options pour faire face aux risques climatiques. Par exemple, une étude américaine sur la côte du golfe du Mexique comparant les coûts de différentes mesures de protection contre l’élévation du niveau de la mer a révélé qu’après les sacs de sable, les mesures d’adaptation les plus rentables étaient fondées sur la nature, notamment la restauration des zones humides et des récifs (Reguero et coll., 2018). Trop souvent, les gouvernements canadiens n’envisagent pas ce type de solutions fondées sur la nature.

Questions qu’on doit se poser pour appuyer le rapport Coût-avantage :

  • Quelles sont les mesures et politiques en matière de changements climatiques qui seront probablement les plus rentables?
  • Que pouvons-nous apprendre de l’expérience en matière de politiques climatiques, tant ici au Canada qu’à l’étranger, qui pourrait appuyer des mesures rentables?

3.3 ACTION MONDIALE

Bien que les résultats des changements climatiques mondiaux dépendent des actions collectives de tous les pays, le Canada n’est pas impuissant à influencer le changement. Nos actions au pays peuvent avoir un écho international, de façons parfois subtiles mais importantes.

Le Canada peut, et doit, exercer une plus grande influence sur les résultats mondiaux en fonction de trois objectifs : (1) tirer profit des efforts du Canada pour réduire les émissions afin de faire pression sur les autres pays pour qu’ils fassent de même (réductions des émissions mondiales), (2) élaborer de bonnes politiques chez nous et partager nos expériences (retombées des politiques), et (3) élaborer des innovations qui rendent la transition plus facile et moins coûteuse pour les autres (retombées des technologies).

Objectif 8 : Réductions des émissions mondiales – tirer profit des engagements du Canada pour influencer les efforts mondiaux

La réduction des émissions mondiales de GES est un problème d’action collective. Tout le monde se porterait mieux si tous les pays prenaient des mesures importantes pour parvenir à une profonde décarbonisation, mais aucun pays ne veut à lui seul trop devancer les autres. Étant donné qu’aucun gouvernement mondial ne peut imposer des réductions d’émissions, la seule solution est que les pays travaillent ensemble dans le cadre d’une coopération internationale, multilatérale et bilatérale.

Pourtant, nous n’avons pas besoin d’être paralysés par les défis de l’action collective. Le Canada a un rôle à jouer pour appuyer les réductions des émissions mondiales. Ce faisant, nous servons également nos propres intérêts.

ENCADRÉ 20 : LES CANADIENS SONT LES PRINCIPAUX ÉMETTEURS

  • Émissions de GES par personne : 3e rang parmi 45 (OCDE + 9 émergents)
  • Émissions de GES par unité du PIB : 3e rang parmi 45 (OCDE + 9)
  • Émissions totales de CO2 : 10e rang parmi 195 pays
  • Émissions cumulatives depuis 1750 : 9e rang parmi 195 pays

Sources: Fleming (2019); Carbon Brief (2019); OECD (2019b).

Le Canada produit 1,6 % des émissions mondiales de CO2. Il se classe également au 10e rang mondial pour ce qui est des émissions, ce qui signifie que 185 pays ont des émissions inférieures à celles du Canada (Encadré 20) (Fleming, 2019). En matière d’émissions cumulatives depuis 1750, le Canada se classe au 9e rang (Carbon Brief, 2019). Nous sommes également le troisième émetteur par personne et par unité du PIB en importance dans les économies développées et émergentes (OCDE, 2019b).

Si le Canada ne poursuit pas d’ambitieuses réductions d’émissions conformes à l’objectif mondial de maintenir l’augmentation moyenne de la température bien en deçà de 2 °C, nos appels à des mesures ambitieuses ne seront pas entendus. Le pouvoir de notre voix vient du fait que nous démontrons que l’objectif mondial peut être atteint grâce à nos propres engagements et actions autonomes.

Comme nous l’avons vu dans la Section 2, pour atteindre l’objectif de température de l’Accord de Paris, les émissions mondiales doivent atteindre le zéro net entre 2050 et 2060. La Finlande s’est engagée à atteindre un objectif zéro net d’ici 2035. La Suède a fait de même pour 2045. Et le R.-U. s’est engagé à atteindre l’objectif d’émissions nettes nulles d’ici 2050, grâce aux travaux de recherche et d’analyse de son comité sur les changements climatiques indépendant, qui a conclu que l’objectif était réalisable et atteignable (Encadré 21). Le nombre de pays de l’UE appuyant un objectif de zéro émissions à l’échelle de l’UE pour 2050 s’accroît (Climate Change News, 2019). Le Secrétaire général de l’ONU appelle également tous les pays à poursuivre des objectifs plus ambitieux.

ENCADRÉ 21 : LA RECHERCHE À L’ORIGINE DE L’ENGAGEMENT DU R.-U. À RÉDUIRE SES ÉMISSIONS NETTES À ZÉRO D’ICI 2050

En mai 2019, le comité sur les changements climatiques britannique indépendant a publié un rapport décrivant en détail la voie à suivre pour atteindre un objectif de réduction nette zéro des GES d’ici 2050. Il a conclu que l’objectif était à la fois réalisable et rentable. Le rapport a également noté que, bien qu’il soit responsable d’une proportion relativement faible des émissions, le R.-U. pourrait avoir une influence considérable en établissant la norme pour l’UE et les autres pays développés lorsqu’ils examinent leurs propres approches.

Le rapport demandait une urgence accrue pour les plans actuels, une portée plus large que les plans précédents, ainsi qu’une plus grande intégration à tous les ordres de gouvernement. Pour atteindre l’objectif d’émissions nettes nulles au R.-U., il faut capter les ressources et l’efficacité énergétique dans l’ensemble de l’économie, modifier le régime alimentaire, électrifier les transports et le chauffage, utiliser l’hydrogène pour les processus industriels et les navires, capter et stocker le carbone dans l’industrie, ainsi que modifier les pratiques agricoles et l’utilisation des terres. Le rapport souligne aussi l’importance d’une transition juste dans la société, en protégeant les travailleurs et les consommateurs vulnérables. Le résultat prévu n’est pas une dévastation économique, mais plutôt une amélioration de la qualité de vie et une diminution des risques climatiques, avec un potentiel de débouchés commerciaux si l’on prend les devants dans certaines régions.

Source: UKCCC (2019).

Dans ce contexte, le Canada doit déterminer ce que devrait être son ambition de réduction des émissions à long terme. Notre situation est différente de celle de l’UE, mais les décisions que nous prenons aujourd’hui pourraient rendre plus difficile et plus coûteuse la réalisation d’un objectif ambitieux pour 2050. Tout comme le R.-U., le Canada a besoin de recherches et d’analyses approfondies sur la faisabilité et le rapport coût-avantage des diverses voies d’émission. La Stratégie pour le milieu du siècle du Canada énonce certaines considérations, mais elle manque de précisions et ne tient pas vraiment compte de la répartition des répercussions (ECCC, 2016b). Nous devons passer au niveau de détail suivant. Si nous trouvons un moyen d’en faire autant que possible, nous aurons le droit de faire appel aux autres pour faire de même.

Questions que le Canada doit se poser concernant les Réductions des émissions mondiales :

  • Quels sont les leviers dont dispose le Canada pour appuyer l’action mondiale?
  • Quelles sont les voies pratiques d’une plus grande ambition à long terme pour le Canada?
  • Quelles sont les répercussions des voies de réduction des émissions pour les Canadiens?
  • Quelles politiques sont nécessaires aujourd’hui pour jeter les bases d’une transition à long terme?

Objectif 9 : Retombées des politiques – encourager l’adoption de bonnes politiques à l’échelle internationale

Il est difficile de choisir et de concevoir des politiques permettant d’atteindre des objectifs ambitieux et des objectifs de résilience aux changements climatiques. Il existe une multitude de considérations, notamment l’impact sur l’économie et l’emploi, les répercussions sur les budgets gouvernementaux, les coûts auxquels font face les particuliers, ainsi que toutes les conséquences d’une action insuffisante. Partout dans le monde, des pays sont aux prises avec bon nombre de défis identiques à ceux du Canada.

Si les gouvernements canadiens élaborent des politiques qui donnent des résultats, tout en gérant les préoccupations, les gouvernements étrangers souhaiteront en connaître les détails. De cette façon, les retombées des politiques peuvent démontrer que les politiques nationales ont réussi à catalyser l’action à l’étranger.

Le Canada travaille à l’élaboration d’une politique d’atténuation des changements climatiques depuis plus de deux décennies et est passé de la recherche initiale de mesures volontaires et de subventions largement inefficaces à une réglementation et des outils de tarification principalement souples. Le Canada est également devenu un chef de file mondial dans certains secteurs clés, comme l’élimination graduelle de l’électricité produite à partir du charbon (Section 4.4), ainsi que le recours à la tarification fondée sur la production pour limiter les problèmes de compétitivité associés à la réglementation des secteurs exposés au commerce et à forte intensité d’émissions (Encadré 22).

ENCADRÉ 22 : ADOPTION GÉNÉRALISÉE DE POLITIQUES DE TARIFICATION FONDÉES SUR LE RENDEMENT AU CANADA

Une politique canadienne qui présente un intérêt considérable à l’échelle internationale est le Système de tarification fondé sur le rendement (STFR) pour les grands émetteurs industriels. Les entreprises dont les émissions sont supérieures à un point de référence pour l’intensité des émissions établi doivent soit acheter des crédits, soit payer un prix du carbone. Celles qui se situent en dessous du point de référence peuvent obtenir des crédits et les vendre à d’autres entreprises. Le système maintient des mesures incitatives pour réduire les émissions, mais décourage les réductions de production, limitant les mesures incitatives pour ralentir ou déplacer la production et l’investissement vers les administrations dont la politique est plus faible. Dans un monde où les niveaux d’action sont inégaux, ce type d’approche peut aider à donner aux pays le courage d’aller de l’avant avec leurs partenaires commerciaux.

Dans le cas du STFR, la politique novatrice d’une province a clairement mené à des progrès ailleurs au Canada. L’Alberta a été la première province à adopter cette politique en 2007 (et l’a ensuite modifiée en 2018). Depuis, des approches similaires ont été adoptées par la Saskatchewan, l’Ontario, la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral.

Sources : Fischer et Fox (2007); Ragan (2019); Dobson et coll. (2017).

Figure 3 : Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques 2013-2020 du Québec 

Bien que l’adaptation ne soit devenue un objectif international explicite que dans l’Accord de Paris de 2015, le Canada possède une expérience utile dans la gestion des impacts liés au climat qui suscite un intérêt international (PNUE, 2019). Le Sud de l’Alberta dispose depuis 2006 d’un système d’échange d’eau fondé sur le marché pour gérer les pénuries d’eau (Alberta Water Portal, 2018). FireSmart Canada a élaboré des normes pour protéger les collectivités contre les incendies de forêt qui ont été adoptées par les provinces canadiennes ainsi que par l’Australie et la Nouvelle-Zélande (FireSmart Canada, 2018a). Des villes comme Victoria et Halifax recourent à des frais d’utilisation des eaux pluviales pour offrir des incitatifs afin de réduire les surfaces dures comme les entrées de cour ou les terrains de stationnement sur les propriétés privées, ce qui contribue à réduire le ruissellement et les risques d’inondation (Commission de l’écofiscalité du Canada, 2018; Institut pour l’IntelliProspérité, 2019). Le Québec a été l’un des premiers chefs de file canadiens en matière d’adaptation aux changements climatiques, ayant adopté une stratégie d’adaptation globale pour 2013-2020 qui aborde la résilience économique et sociale (Figure 3).

Le Canada pourrait faire davantage pour promouvoir ses apprentissages et ses réussites en matière de politiques dans toutes les administrations au Canada et à l’étranger. Les gouvernements canadiens pourraient également tirer des leçons de l’expérience d’autres pays. Des études de cas détaillées sur les politiques, par exemple, peuvent aider les gouvernements à comprendre les processus décisionnels et les détails de conception importants qui amélioreraient leur capacité d’adopter une approche similaire.

Le Canada a aussi le potentiel de jouer un rôle de chef de file dans l’établissement des règles internationales sur les changements climatiques. Il pourrait contribuer au financement de la lutte contre les changements climatiques, ainsi qu’à des initiatives visant à faire face aux risques mondiaux pour le secteur financier, aux approches de l’aide internationale visant les pays vulnérables aux impacts des changements climatiques, ainsi qu’aux défis associés à l’augmentation des migrations et des conflits.

TABLEAU 4 : SOCIÉTÉS CANADIENNES FIGURANT AU PALMARÈS GLOBAL CLEANTECH 100 DE 2019 DE CLEANTECH GROUP

Nom de la compagnieType d’innovation technologique
Axine Water TechnologiesSolutions de traitement exempt de produits chimiques rentables des eaux usées
industrielles
CarbonCure TechnologiesÉquipement de captage du carbone pour la production de béton préfabriqué
Cooledge LightingSolutions d’éclairage DEL adaptables
EcobeeThermostats wi-fi intelligents pour des applications résidentielles et commerciales
Enbala Power NetworksPlateforme permettant aux entreprises de production d’électricité d’exploiter un réseau électrique plus réparti
GaN SystemsGamme de transistors de commutation de puissance en nitrure de gallium à haut rendement
InventysTechnologie pour capter le CO2 en postcombustion provenant de diverses sources
Metamaterials TechnologiesMatériaux intelligents et composantes photoniques pour fournir des solutions en optique
MineSense TechnologiesTechnologie de capteurs qui améliore l’efficacité énergétique, hydrique et chimique dans
les mines
Opus One SolutionsPlateforme intelligente d’analyse de données pour les réseaux intelligents
SemiosAgriculture de précision, lutte antiparasitaire biologique et gestion des données
TerrameraProduits de lutte antiparasitaire à base de plantes

Sources : Affaires mondiales Canada (2019); Cleantech Group, 2019

Questions qu’on doit se poser pour appuyer les Retombées des politiques :

  • Quel a été le rendement des politiques climatiques au Canada quant à leur efficacité en matière de réduction des émissions, à leurs coûts et à leurs impacts sur la répartition des répercussions?
  • Quelles expériences internationales en matière de politiques climatiques sont pertinentes aux défis du Canada?
  • Où et comment le Canada devrait-il jouer un rôle de chef de file international?
  • Quelles politiques canadiennes devraient être défendues à l’échelle internationale comme options pour aider à atteindre les objectifs mondiaux?

Objectif 10 : Retombées des technologies – stimuler le changement mondial par l’innovation

Les changements technologiques ont le potentiel de changer la donne en matière d’action internationale contre les changements climatiques. Ils peuvent diminuer les coûts des réductions d’émissions et de l’adaptation aux changements climatiques. Ils peuvent aussi contribuer à sauver des vies ainsi qu’à réduire les perturbations économiques et sociétales.

Le Canada peut être une source de changements technologiques avec des retombées des technologies dans d’autres pays qui offrent des avantages mondiaux. L’initiative Mission Innovation internationale – chargée d’accélérer l’innovation mondiale dans le domaine des énergies propres – a permis de cerner huit défis d’innovation essentiels à la réduction des émissions de GES : (1) les réseaux intelligents, (2) l’accès à l’électricité hors réseau, (3) le captage du carbone, (4) les biocarburants durables, (5) la conversion de la lumière solaire, (6) les matériaux énergétiques propres, (7) le chauffage et la climatisation abordables des bâtiments, et (8) l’hydrogène renouvelable et propre. L’adaptation aux changements climatiques nécessitera aussi des innovations en matière d’utilisation efficace de l’eau, de recyclage et de dessalement de l’eau, de renforcement de la résilience aux inondations et aux incendies, de refroidissement urbain, de résilience des cultures, ainsi que d’infrastructures résilientes au climat (Deloitte et ESSA Technologies, 2016). Le Canada est déjà en train de mettre au point bon nombre de ces technologies.

En 2019, les entreprises canadiennes ont obtenu 12 des 100 places au palmarès Global Cleantech 100 des entreprises les plus susceptibles d’avoir un impact considérable sur le marché au cours des 5 à 10 prochaines années (Tableau 4). Le Canada est également un chef de file mondial reconnu dans le domaine des technologies de captage et de stockage du carbone ainsi que de l’eau, en grande partie grâce aux importantes ressources du secteur public investies dans la recherche et le développement.

Bien que la recherche et le développement à un stade précoce soient essentiels à l’élaboration de nouvelles idées, la mise sur le marché des technologies, en les aidant à croître, sera cruciale pour réaliser des avantages climatiques. La croissance de la demande du marché, l’augmentation de la production et la concurrence contribuent à faire baisser les coûts technologiques au cours du temps. À mesure que les coûts diminuent, l’adhésion augmente et les avantages globaux croissent.

FIGURE 4: Les coûts mondiaux des technologies renouvelables continuent de baisser

Cette figure montre le coût mondial moyen pondéré actualisé de l’énergie ($ US de 2018/kWh) pour les technologies de production d’énergie solaire et éolienne à grande échelle entre 2010 et 2018. Le coût actualisé de l’énergie est une mesure qui permet de faire des comparaisons en combinant les coûts d’immobilisations, d’exploitation et d’entretien, de rendement et de combustible.
Source: IRENA (2019)

Prenons, par exemple, le cas de l’énergie éolienne et solaire. L’Allemagne était autrefois le marché le plus chaud, grâce à sa politique de prix de rachat pour l’énergie renouvelable. La Chine dominait alors avec d’énormes investissements gouvernementaux dans l’électricité renouvelable. L’envolée de la demande en provenance des deux pays, ainsi que d’autres pays, a entraîné une entrée sur le marché et une concurrence considérables, ce qui a contribué à réduire les coûts dans un délai relativement court. Il y a vingt ans, l’électricité éolienne et l’électricité solaire étaient une option d’atténuation coûteuse. Aujourd’hui, ils sont souvent concurrentiels par rapport aux combustibles fossiles (Figure 4).

L’innovation dans les produits à faibles émissions de carbone peut aussi améliorer les résultats mondiaux. Si nous trouvons des moyens de réduire la teneur en émissions de nos exportations, nous pouvons déplacer ailleurs des produits à plus forte intensité d’émissions. Par exemple, notre secteur de l’électricité à faibles émissions de carbone a un avantage comparatif à cet égard. Les fabricants canadiens d’aluminium ont un profil d’émissions beaucoup plus bas que ceux des autres pays (Simard, 2015). Les provinces canadiennes qui possèdent de l’énergie hydroélectrique vendent aussi de plus en plus à des clients américains à la recherche de sources d’énergie à faibles émissions de carbone.

L’innovation canadienne a également le potentiel d’appuyer les objectifs de l’aide internationale. Le besoin de solutions d’adaptation climatique sera le plus grand dans les pays en développement qui ont déjà de la difficulté à nourrir et loger leurs populations ainsi qu’à leur fournir de l’électricité. Les entreprises canadiennes s’efforcent de trouver des solutions possibles. Par exemple, AWN Nanotech de Dorval, au Québec, vend une technologie évolutive qui convertit efficacement l’humidité en eau potable, offrant ainsi une solution rentable aux pénuries d’eau (McMillan, 2019 ; AWN Nanotech, 2019).

Cependant, le développement technologique, la commercialisation et la croissance à grande échelle ne se font pas d’eux-mêmes. Un facteur essentiel du développement technologique sera une politique gouvernementale ambitieuse, qui engendre une demande accrue du marché pour des solutions à faibles émissions de carbone et résilientes au climat. Les entreprises et les entrepreneurs ont aussi besoin d’un soutien dans leur parcours, avec l’aide du gouvernement pour surmonter les obstacles tels que le financement et l’accès aux marchés internationaux. Les besoins prioritaires en matière d’innovations technologiques peuvent également être ciblés grâce à des prix ou des programmes de recherche et développement spécialisés.

Questions qu’on doit se poser concernant les Retombées des technologies :

  • Quelles technologies ou quels produits canadiens offrent le plus grand potentiel d’avantages internationaux en matière de changements climatiques?
  • Quels pays ou quelles régions ont le plus grand besoin de technologies d’atténuation et d’adaptation?
  • Quelles politiques canadiennes pourraient aider à mieux saisir les avantages des technologies climatiques mondiales?

3.4 SOMMAIRE

Cette section a énoncé les principaux buts et objectifs qui peuvent servir de guide à une approche crédible, pratique et exhaustive aux changements climatiques au Canada. Ils aident à préciser ce que le Canada devrait ultimement tenter de réaliser en matière de changements climatiques, en établissant des liens entre les mesures qui réduisent les émissions, renforcent la résilience et élaborent des technologies propres pour le bien-être des Canadiens. Ils aident aussi à éliminer les cloisonnements, en cernant les intérêts communs parmi les multiples programmes stratégiques.

Notre but est d’aider les gouvernements de tout le pays à définir et façonner des programmes cohérents en matière de politiques sur les changements climatiques, ainsi que d’aider les Canadiens à mieux comprendre l’ampleur et la profondeur du défi. L’adoption d’une approche plus large et à plus long terme aide à saisir la diversité des besoins et des intérêts au Canada en matière de changements climatiques, ainsi qu’à parvenir à une vision unifiée.

Les questions clés posées pour chaque objectif mettent en lumière le travail important qui reste à accomplir afin d’atteindre les buts et les objectifs, ainsi que la portée des recherches et des analyses nécessaires pour appuyer la prise de décisions. Les changements climatiques sont souvent décrits comme l’un des « vilains problèmes » du monde, compte tenu de l’immense complexité du défi. Cependant, grâce à un effort concerté et collaboratif, les Canadiens peuvent trouver et peaufiner des solutions qui jettent les bases du succès futur.

Retour Suivant