Le nouveau plan climatique du Canada est un événement majeur. Voici pourquoi

Pour la toute première fois, le Canada est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs climatiques

Pour la première fois, le Canada dispose d’un plan climatique qui est conforme à ses objectifs. Ce plan contient de nombreuses politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais parmi les plus importantes figure l’augmentation de la tarification sur le carbone au Canada qui passera à 170 $/tonne d’ici 2030.

Combler le fossé entre ambition et action

Comme de nombreuses juridictions, le Canada a souvent été accusé d’être fort en matière de rhétorique climatique mais faible quand il s’agissait de mettre en œuvre des politiques. Ce plan vient changer cela. La modélisation d’Environnement et changement climatique Canada (voir ci-dessous) montre que les multiples éléments de politiques du plan s’ajoutent aux réductions d’émissions prévues en 2030 qui dépassent l’objectif actuel du Canada.

 Ces projections sont crédibles. Les projections d’émissions du gouvernement dans le cadre d’une tarification du carbone qui augmente de 15 $/tonne par an sont conformes aux analyses du Bureau du directeur parlementaire du budget, de Clean Prosperity, de la Commission de l’écofiscalité du Canada et de notre propre économiste principal, Dave Sawyer. Il s’agit d’une politique qui est en mesure de tenir ses promesses en matière de réduction des émissions. 

Cette cohérence entre les objectifs et les politiques n’est pas une mince affaire. Elle montre au reste du monde que nous sommes sérieux dans nos engagements au titre de l’accord de Paris, en permettant des réductions d’émissions ailleurs. Elle définit également des attentes pour les entreprises et les particuliers qui font des choix d’investissement qui auront des répercussions importantes sur les émissions et les taux de rendement au cours des dix prochaines années.  L’envoi d’un signal clair sur l’orientation des politiques peut contribuer à aligner les investissements sur nos objectifs climatiques, mais aussi apporter plus de certitude et moins de risques aux investisseurs. Enfin cela favorisera également l’innovation à faible intensité de carbone. 

Minimiser les coûts liés à la réalisation des objectifs de 2030

Il existe plusieurs façons d’envisager les implications économiques de la hausse constante de la tarification du carbone.

D’un point de vue macroéconomique, les économistes ont tendance à apprécier la tarification du carbone parce qu’elle minimise les coûts globaux. La tarification du carbone repose sur les forces du marché et confère aux émetteurs une certaine souplesse dans la manière dont ils réduisent leurs émissions de GES. Cela signifie que l’économie peut continuer à croître, même si nous réduisons les émissions. La figure ci-dessous s’inspire de l’analyse de la Commission de l’écofiscalité du Canada. Elle montre comment l’économie (et les revenus des Canadiens) se développent dans le cadre de différents trains de mesures visant à atteindre l’objectif de 2030. Les revenus augmentent davantage lorsque les politiques reposent sur la tarification du carbone plutôt que sur d’autres politiques climatiques.    

Du point de vue de l’industrie, les préoccupations économiques se concentrent sur la compétitivité des marchés internationaux. Le plan fédéral de tarification du carbone répond à ces préoccupations en continuant à s’appuyer sur une “tarification du carbone basée sur la production“, qui crée des incitations à réduire les émissions en améliorant les performances, et non pas en réduisant la production ou en la transférant à des juridictions dont les politiques sont plus faibles.  Cette politique était pertinente à 50 $/tonne et elle l’est toujours à 170 $/tonne. Le nouveau plan s’engage notamment à explorer les “ajustements à la frontière pour le carbone” comme approche alternative. Les ajustements à la frontière n’ont probablement de sens que si les États-Unis vont de l’avant avec eux aussi.  Mais comme le président Biden examine ouvertement ses options, le Canada est bien avisé de commencer cette analyse.

Enfin, du point de vue des ménages, il s’agit également d’une approche abordable. Le gouvernement accordera des rabais trimestriels aux ménages, ce qui compensera largement les coûts du carbone. Le prix du carbone augmentera au fil du temps, tout comme l’importance de ces rabais.  Par conséquent, les Canadiens aux revenus les plus faibles tireront des avantages nets de cette politique, et la plupart des Canadiens ne verront pas les coûts augmenter. Et surtout, ces rabais ne sapent pas les incitations des Canadiens à réduire leurs émissions.  

Autres avantages, autres coûts et autres politiques

Le prix du carbone n’est pas le seul élément de ce plan. Il contient des réglementations pour le carburant, les véhicules et l’électricité. Il existe un soutien pour la modernisation des bâtiments, les véhicules électriques, les carburants à faible teneur en carbone et l’hydrogène. Les politiques complémentaires ont un rôle évident à jouer, même si certaines de ces politiques seront certainement plus rentables que d’autres.

Mais elles ont aussi des objectifs différents. Comme l’a fait remarquer l’Institut climatique du Canada, un plan climatique réussi ne peut pas se mesurer uniquement à la réduction des émissions. La prospérité économique et le bien-être des Canadiens doivent aller de pair avec la réalisation de nos objectifs. 

Ces autres leviers politiques pourraient jouer un rôle important dans la création de nouvelles sources de croissance pour le Canada. À mesure que le monde modifie son économie, les marchés mondiaux évoluent. Le Canada – et toutes ses régions – doit commencer à réfléchir aux secteurs et aux industries (existants et émergents) qui pourraient alimenter ses moteurs de croissance économique.  Le rôle de la politique dans l’élaboration de ces changements reste une source de débat, et l’Institut climatique du Canada se penchera sur cette question dans les mois qui viennent.

Bien entendu, la tarification du carbone est aussi un plan de croissance. Mettre un prix sur le carbone permet d’assurer une croissance à faible intensité de carbone. Cela incite les secteurs à fortes émissions à réduire l’intensité de leurs émissions. Et cela incite aussi les investisseurs à investir dans de nouveaux produits ou technologies à faible intensité de carbone. C’est exactement la raison pour laquelle de nombreuses entreprises soutiennent la tarification du carbone, surtout lorsque les fluctuation des prix sont claires et transparentes.  

Enfin, l’adaptation reste une lacune du plan. Le Canada ne peut pas se permettre d’ignorer les effets du réchauffement climatique sur notre santé, nos infrastructures, notre économie et notre société. Bien que le plan du gouvernement indique qu’une stratégie nationale d’adaptation est en cours d’élaboration, cette partie de la stratégie climatique du Canada reste pour l’instant une lacune.

Objectifs, politique et résultats

Globalement, ce plan change la nature de notre débat sur la politique climatique au Canada. Des questions demeurent, bien sûr, sur certains détails au niveau des politiques, sur la manière dont les provinces vont réagir et sur les futurs débats politiques dans un parlement minoritaire. Mais ces débats sur des politiques et des voies hypothétiques vers des objectifs lointains ne sont plus d’actualité. Le Canada s’est doté d’un plan climatique. Il est crédible. Il est fondé sur des preuves. Et pour la première fois, le Canada est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs de 2030, une première étape cruciale sur la voie qui le mène à 2050.

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