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L’Alberta a le potentiel de faire démarrer la croissance propre

La province a une occasion en or de mobiliser ses compétences dans le secteur pétrolier et gazier pour favoriser la croissance future.

Ce qui est bon pour le secteur pétrolier et gazier de l’Alberta est habituellement considéré comme défavorable à l’atteinte des objectifs climatiques. Mais dans les circonstances actuelles, ce n’est peut-être pas le cas; des milliers de travailleurs du secteur ont été mis à pied, et le retour d’une croissance économique rapide semble peu probable. Investir dans une « croissance propre » maintenant pourrait aider ces travailleurs à mettre à profit leurs compétences tout en jetant les fondations d’une reprise économique durable et diversifiée et d’une prospérité à long terme pour l’Alberta.

Les travailleurs du pétrole et du gaz ont durement souffert, mais ils ont toujours leurs compétences

Le secteur pétrolier et gazier de l’Alberta a essuyé deux coups durs sans précédent cette année, soit un effondrement du prix du pétrole et une faible demande de pétrole dus aux ralentissements causés par la pandémie. Entre janvier et avril 2020, plus de 5 000 travailleurs employés directement ou indirectement par le secteur de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz de la province ont été licenciés, comparativement à 717 seulement pour la même période en 2019.

D’ailleurs, ces récentes mises à pied reflètent une tendance à long terme, qui a vu les emplois pétroliers, gaziers et miniers passer de 133 000 travailleurs en 2014 à un peu plus de 124 000 travailleurs en avril 2020. Les activités de soutien à l’extraction minière et à l’extraction de pétrole et de gaz ont été les plus durement touchées. Ce sont souvent des entreprises ou des travailleurs sous contrat qui effectuent des activités liées à l’exploration et aux nouveaux puits.

Source : Statistique Canada (2020), Tableau 14-10-0202-01, Emploi selon l’industrie, données annuelles

Les travailleurs mis à pied tendent à être jeunes, scolarisés, qualifiés et expérimentés. Des 5 283 travailleurs licenciés dans les quatre premiers mois de 2020, 58 % ont moins de 40 ans. Plus de la moitié possèdent un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires. Environ 40 % occupaient un poste technique, et 24 % exerçaient un métier spécialisé. Près de la moitié de ces travailleurs occupaient leur poste depuis au moins cinq ans.

La possibilité qu’ils récupèrent leur ancien emploi est faible. Les difficultés devraient continuer au cours de la prochaine année, et peut-être pour plus longtemps encore. L’Agence internationale de l’énergie s’attend à une baisse d’un tiers des investissements pétroliers et gaziers mondiaux en 2020. Une surcapacité dans le raffinage, les produits pétrochimiques et le gaz naturel liquéfié devrait aussi retarder les plans d’investissement de ces secteurs. On peut voir quelques rayons d’espoir pour le gaz naturel, mais les gains potentiels ne suffiront probablement pas à compenser les pertes d’emploi.

De nouvelles possibilités de retour au travail pour les travailleurs qualifiés

La production géothermique, de lithium et d’hydrogène demande plusieurs des mêmes compétences que la production pétrolière et gazière. Les puits de pétrole et de gaz abandonnés ou existants pourraient aussi représenter des occasions d’exploiter ces ressources à un faible coût. Les puits les plus chauds et les plus profonds pourraient convenir à la production géothermique. Les puits contenant plus d’eaux usées que de pétrole pourraient servir pour le lithium. Et les capacités des technologies émergentes de conversion de puits existants pour la production d’hydrogène pourraient se traduire en un carburant propre et abordable pour le camionnage et l’industrie.

Le potentiel du solaire et de l’éolien en Alberta est aussi fort prometteur. Plus tôt cette année, une entreprise danoise a investi 500 millions de dollars dans ce qui deviendra le plus grand projet d’énergie solaire au Canada, près du village de Lomond, dans le sud de l’Alberta. Il serait aussi possible de transformer des puits orphelins et abandonnés en nouvelles centrales solaires, pourvu qu’ils disposent déjà d’un accès à la route et à l’électricité. L’éolien fait maintenant concurrence au gaz naturel sur le plan du coût, offrant donc une occasion prometteuse de réduire l’intensité des émissions du réseau électrique de l’Alberta. Le stockage d’énergie pourrait ouvrir encore plus de débouchés pour la production solaire et éolienne. Des organisations comme Iron & Earth travaillent à aider les anciens travailleurs du pétrole et du gaz à appliquer leurs compétences aux énergies renouvelables.

L’Alberta est aussi l’hôte d’un secteur des technologies propres émergent qui participe à la réduction de l’impact environnemental des activités gazières et pétrolières. Si le secteur pétrolier et gazier de la province espère pouvoir se battre pour des investissements mondiaux limités à l’avenir, ses activités devront être aussi économiques, sobres en carbone et écologiques que possible. Les entreprises de technologies propres de l’Alberta travaillent à cette fin, en offrant des produits qui améliorent l’efficacité énergétique et de l’extraction, réduisent les émissions des installations et des processus et la consommation d’eau, facilitent le nettoyage et aident à améliorer la surveillance de l’environnement.

Les sociétés pétrolières et gazières elles-mêmes pourraient saisir ces occasions et diversifier leur propre offre de produits pour se protéger des futurs chocs économiques. L’intérêt qui s’est manifesté récemment pour la production de fibres de carbone à partir de bitume ou de carburant d’aviation à base de biomasse démontre que des acteurs du secteur s’intéressent déjà au sujet. Un financement fédéral appuyant la réduction des émissions de méthane pourrait aussi aider les entreprises à conserver leurs employés.

Les gouvernements peuvent mettre en marche ces solutions tout en créant des cadres stratégiques à long terme

Alberta était responsable de 37 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2018. Le Canada ne peut pas atteindre ses objectifs climatiques sans aider l’Alberta à trouver des occasions de croissance et d’emploi plus sobres en carbone. C’est donc dans l’intérêt public du pays de contribuer à la création et au développement de ces nouvelles occasions, qui serviraient en même temps à créer de nouveaux emplois essentiels en cette période de crise.

Les occasions de croissance propre au Canada sont souvent freinées par un mélange de facteurs : aversion au risque, faible adoption de technologies au pays, incertitudes entourant les politiques et lutte pour obtenir des fonds limités. Les gouvernements peuvent aider à surmonter ces obstacles en finançant en partie des projets de démonstration commerciale et en stimulant la demande par un approvisionnement ciblé ou des politiques accélérant l’adoption de technologies. On voit déjà des efforts du genre déployés dans plusieurs paliers de gouvernement et dans diverses organisations qui appuient les entreprises de tous les stades de développement. Ce qu’il faut faire, c’est accroître l’échelle, accélérer l’adoption de voies technologiques et se concentrer sur les secteurs où il y a possibilité de jouir d’un avantage concurrentiel grâce aux compétences accessibles, au potentiel de ressources ou au coût.

Toutes les conditions sont en place pour que l’Alberta tire le maximum de ses occasions de croissance propre. Il ne reste qu’à prendre soin des graines semées aujourd’hui pour que celles-ci finissent par germer.

Melissa Felder et Asa Motha-Pollock travaillent pour MaRS Data Catalyst.

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