Crédit d'image: iStock

Deux milliards d’arbres, s’il vous plaît, c’est pour emporter

Les arbres urbains contribueront à atténuer les effets du changement climatique, si nous parvenons à les maintenir en bonne santé.

Les politiciens adorent planter des arbres. Ils le font dans les sillons de leurs tournées électorales, en guise de cadeau ou en guise de symbole de renouveau urbain. Mais la récente promesse du gouvernement fédéral de planter 2 milliards d’arbres dans la prochaine décennie entre dans une catégorie à part.

Planter des arbres est une solution qui semble à la fois facile et peu onéreuse pour réduire les émissions du Canada. Pourtant, si l’idée paraît séduisante, elle ne fait pas l’unanimité. Où va-t-on tous les mettre? Quelle sera leur durée de vie? Les arguments pour planter une partie de ces arbres au sein de métropoles canadiennes en plein essor sont néanmoins convaincants. Les arbres font bien plus qu’absorber le carbone des villes, ils les rendent aussi plus agréables et plus propres tout en rafraîchissant l’atmosphère. Autrement dit, il y a beaucoup d’avantages à tirer des arbres en ville… à condition de les planter dès maintenant.

Un outil de 40 pieds de haut à sortir de la remise

La croissance du Canada est la plus forte parmi les pays du G7 : 6 à 19 millions nouveaux Canadiens devraient venir s’ajouter à la population actuelle d’ici 2050. Presque tous vont s’installer dans les grandes villes. Cette forte concentration de population, de services gouvernementaux, d’entreprises, d’infrastructures et de ressources économiques va rendre nos villes particulièrement vulnérables aux changements climatiques.

Les forêts urbaines peuvent aider nos villes à affronter ces changements. Elles absorbent et retiennent l’eau pendant les fortes précipitations, pour réduire les risques d’inondation. Elles rafraîchissent l’air et font de l’ombre (comme on peut le constater dans les principales villes du Québec), limitant ainsi le réchauffement urbain. Enfin, les arbres mûrs et les arbustes préviennent l’érosion et les glissements de terrain.

Au Canada, les forêts urbaines font également office de puits de carbone. On estime en effet que ces voûtes végétales protègent 27 % de la surface des villes et piègent 2,5 millions de tonnes de CO2 par an, ce qui équivaut à retirer 450 000 Ford F-150 des routes. Par ailleurs, l’ombre diminue les besoins énergétiques. Aux États-Unis par exemple, les forêts urbaines ont permis une réduction en besoins énergétiques pouvant atteindre 7,2 %.

Enfin, les arbres offrent des bienfaits non négligeables pour la santé mentale et physique. D’une part, ils purifient l’air en interceptant les polluants, ce qui réduit les risques de maladies et décès. À New York, les forêts urbaines collectent 2 202 tonnes de polluants atmosphériques chaque année. D’autres part, ils contribuent au bien-être psychique! En effet, une étude danoise a montré que les enfants ayant accès aux espaces verts couraient moins de risques de développer des troubles psychiatriques à l’âge adulte. D’ailleurs, des médecins japonais prescrivent des shinrin-yoku (« bains de forêts ») depuis quelque temps déjà, et les médecins occidentaux ont commencé à s’y mettre.

Un enracinement durable
Planter des forêts urbaines est une tâche compliquée : non seulement il faut trouver l’espace, mais en plus, les arbres doivent rester en vie et en bonne santé.

Les bienfaits des arbres ne dépendent pas tant de leur nombre que de leur âge et leur état. Or, comme nous, les arbres sont affectés par les changements climatiques. Du manque d’eau à la menace que font peser les insectes et les maladies en passant par l’augmentation du nombre d’épisodes de congélation-décongélation, ces végétaux sont mis à rude épreuve. À ces stress s’ajoutent les conditions défavorables du cadre urbain, comme le compactage des sols, le sel jeté sur les routes, le manque d’espace et la pollution atmosphérique.

Voici trois facteurs clés de réussite du verdissement urbain à prendre en compte au moment de planter des arbres :

  • Diversité : La diversité fonctionnelle, qui ne se définit pas par le nombre d’espèces dans une zone donnée, mais par la diversité des caractéristiques biologiques ou la capacité à faire face à certaines contraintes, contribue à la résilience de la forêt urbaine. Puisqu’aucune essence ne peut résister à tous les stress, l’exposition aux risques doit être minimisée par la diversité. On peut apparenter la diversité fonctionnelle des forêts urbaines à la diversification d’un portefeuille financier : il faut non seulement investir dans différents secteurs, mais également dans différentes devises pour résister aux coups durs.
  • Connectivité et densité : Les arbres ont besoin d’une communauté; comme les humains, ils ne peuvent s’épanouir dans l’isolement. Planter les arbres en bosquets peut donc faire toute la différence. Les espaces verts doivent être interconnectés pour créer des autoroutes naturelles empruntées par les animaux et les insectes, ce qui contribue à améliorer la résilience de la forêt urbaine.
  • Soins et entretien : Pour bien pousser, les arbres ont aussi besoin d’une terre abondante et de bonne qualité. Les sols urbains sont pleins de surprises : on y trouve des briques, des fils électriques et des bouteilles, alors que les nutriments, eux, y sont rares. Donc, si nous voulons que les arbres nous survivent, il faut arriver à augmenter la fertilité de la terre. La ville de Chicago, par exemple, a trouvé un moyen ingénieux de transformer ses eaux usées en fertilisant. Par ailleurs, il est impératif de prévoir un financement de la maintenance à long terme (arrosage, élagage, fertilisation). C’est dans cette optique que la ville d’Austin a mis en place un projet pilote de compensation du carbone appelé Carbon + credits qui pourrait éventuellement servir de mécanisme de financement.

Miser sur ses espaces verts

Il appartient aux municipalités d’évaluer leur patrimoine naturel et de prendre en considération tous les services fournis par les arbres, outre la capture de carbone. Une fois tous ces services énumérés, les chefs des services financiers et des directions administratives des villes auront entre les mains des arguments imparables pour démontrer que planter des arbres représente un investissement rentable.

Mais il faut bien s’y prendre. La planification urbaine et les pratiques de plantation doivent être modernisées pour être sûres de générer des investissements et non pas des dettes. Les villes doivent collaborer avec des propriétaires fonciers et des ONG pour tirer profit des ressources et accélérer la plantation des arbres sur les terrains privés.

Le gouvernement fédéral a affirmé prendre la plantation d’arbres au sérieux. Les ressources que représente deux milliards d’arbres pourraient faire beaucoup pour le verdissement de nos villes. Alors, la prochaine fois que vous verrez un arbre, remerciez-le de vive voix.

Publications liées