Glooscap First Nation Community Centre & Offices

Les avantages de la rénovation

Le projet pour l’efficacité énergétique des maisons mi’kmaqs profite non seulement à l’économie et au climat, mais aussi à la santé et au bien-être.

La rénovation domiciliaire, qui figure en bonne place dans le récent budget du gouvernement fédéral, jouera un rôle essentiel dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Mais les subventions offertes pour inciter les propriétaires à installer des thermopompes, à sceller les fenêtres mal isolées ou à ajouter des matériaux d’isolation sont souvent critiquées des économistes. Mal conçus, les programmes de rénovation peuvent être un moyen coûteux de réduire les émissions. En revanche, ceux bien conçus peuvent se rentabiliser d’eux-mêmes par une réduction des factures d’énergie, une meilleure qualité de l’air intérieur et une amélioration générale des conditions de vie.

Le projet pour l’efficacité énergétique des maisons mi’kmaqs en Nouvelle-Écosse est un parfait exemple du potentiel positif des programmes de rénovation domiciliaire. Le programme rend les maisons appartenant aux bandes plus confortables, et s’attaque activement à certains des problèmes systémiques liés au logement dans les communautés autochtones. Ce qui est encore plus frappant, c’est que le programme passe avec succès un test d’analyse coûts-avantages de base, même sans tenir compte de ces améliorations en matière de santé et de bien-être.

Regardons les chiffres de plus près.

On n’est jamais aussi bien que chez soi

Pour aider les communautés mi’kmaqs de Nouvelle-Écosse à profiter des avantages de la rénovation domiciliaire, le gouvernement provincial (avec l’aide de fonds fédéraux) a lancé en 2018 un programme pilote visant à rénover les maisons appartenant aux bandes, qui représentent environ 80 % de toutes les maisons dans les réserves en Nouvelle-Écosse. Le projet pour l’efficacité énergétique des maisons mi’kmaqs est géré par EfficiencyOne (un organisme indépendant à but non lucratif) et offre une foule d’améliorations domestiques : remplacement des fenêtres et des portes, ajout de matériaux d’isolation, installation de ventilateurs et de thermopompes, et autres.

Le projet pilote a permis de rénover 100 maisons et a depuis été élargi en raison de sa popularité. L’objectif est maintenant de rénover 80 % des 2 400 maisons appartenant aux bandes dans la province au cours des dix prochaines années. Cela en fait l’un des programmes de rénovation les plus ambitieux du pays.

Valoriser la santé et le confort

Les avantages du programme sont considérables, et certains ont peu à voir avec les changements climatiques.

Le plus important est sans doute du côté de la qualité de l’air intérieur. Les rénovations effectuées dans le cadre du programme de la Nouvelle-Écosse améliorent l’isolation, la ventilation, le calfeutrage et le contrôle de l’humidité, ce qui peut réduire la probabilité de moisissures et d’air malsain. Avec une bonne ventilation, ces améliorations réduisent la prévalence de l’asthme et d’autres problèmes respiratoires, et même favorisent la santé mentale. Les jeunes, les personnes âgées et les personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents en profitent généralement le plus.

Les maisons plus chaudes et plus écoénergétiques sont également plus confortables. Dans la Première Nation de Glooscap, cinq maisons rénovées dans le cadre du programme ont d’ailleurs fait l’objet de commentaires élogieux de la part des résidents, selon Jason MacLeod, agent du logement et des infrastructures de la réserve. Les nouvelles thermopompes stabilisent la température en hiver, tandis que la climatisation soulage les résidents durant les étés chauds et humides de la Nouvelle-Écosse.

Le programme de rénovation mi’kmaq présente également d’autres avantages évidents, comme la réduction des gaz à effet de serre, l’économie d’énergie et la résilience des communautés. Mais comment se comparent-ils aux coûts du programme?

Les coûts et les avantages

Mettons de côté un instant les améliorations en matière de santé et de bien-être. Ces avantages sont réels et concrets, mais difficiles à quantifier – à chaque rénovation ses effets sur la santé et le bien-être.

Toutefois, en faisant un peu de calcul rapide, on constate que le programme de rénovation de la Nouvelle-Écosse est économiquement viable même sans tenir compte des bienfaits sur la santé et le bien-être. Le coût moyen d’une rénovation se situe entre 6 000 et 7 000 $ et permet au ménage moyen d’économiser 750 $ par an en coûts énergétiques. Chaque rénovation permet également d’éliminer de deux à trois tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an.

Selon ces fourchettes et quelques hypothèses importantes[1], j’estime que le programme de rénovation génère environ 1,60 $ à 5,10 $ en avantages pour chaque dollar dépensé (c’est-à-dire son ratio coûts-avantages) sur 25 ans. Autrement dit, les gains en économies d’énergie et en réduction des émissions de gaz à effet de serre sont deux à cinq fois supérieurs au coût du programme. En ajoutant à ce calcul l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, on ne peut que renforcer l’argumentaire.

Les gains en économies d’énergie et en réduction des émissions de gaz à effet de serre sont deux à cinq fois supérieurs au coût du programme.

Plus c’est ciblé, mieux c’est

Mais la totalité ou la majorité de ces avantages peuvent-ils être directement attribués au programme gouvernemental? Certains ménages ne procéderaient-ils pas de toute façon à ces rénovations sans l’aide du gouvernement, surtout si le prix des émissions de carbone augmente? Cela renvoie à ce que les économistes appellent le problème du passager clandestin, qui peut miner l’efficacité économique des programmes de subventions. Un article de 2014, par exemple, a révélé que les subventions étaient principalement utilisées par les ménages des classes moyennes et supérieures qui auraient probablement effectué les réparations de toute façon.

Mais de toute évidence, le problème du passager clandestin n’est pas aussi pertinent ici. Malgré les améliorations apportées aux logements dans les réserves au cours des dernières décennies, la qualité de ceux-ci est souvent inférieure à celle des logements hors réserve au Canada, et dans plus de 80 % des réserves le revenu médian est sous le seuil de pauvreté national (voir ici, ici et ici). Les raisons de cette situation sont complexes et dépassent la portée de ce billet de blogue, mais il existe des liens évidents avec le colonialisme historique et actuel, le racisme systémique et la discrimination.

En axant les programmes de rénovation sur les personnes qui en ont le plus besoin, comme le fait celui de la Nouvelle-Écosse, on peut obtenir des avantages qui leur sont directement attribuables, autrement impossibles sans eux.

Il existe également une dynamique importante à considérer quant à la gestion du logement dans les communautés autochtones. Dans certains cas, les maisons situées dans les réserves sont détenues et gérées par la bande, et les occupants n’ont pas forcément la possibilité d’effectuer eux-mêmes les rénovations, ou sont moins incités à le faire si la maison n’appartient pas à une famille depuis longtemps. Bien que la fourniture de logements soit différente d’une réserve à l’autre, le programme de la Nouvelle-Écosse aide à relever le défi des incitatifs partagés en fournissant des fonds directement aux bandes pour qu’elles effectuent les rénovations au nom des occupants.

Un bon point de départ

Le programme n’est pas parfait. Le financement, par exemple, ne peut être consacré qu’à des réparations matérielles. Une maison peut recevoir une nouvelle thermopompe, mais il n’y a souvent personne dans la communauté qui possède les compétences et les connaissances nécessaires pour l’entretenir ou la réparer. Selon une évaluation récente du logement dans les réserves effectuée par le gouvernement fédéral, ce manque de capacité technique sur place est un problème systémique au pays.

Quant à l’avenir, le fait d’associer la rénovation des maisons au renforcement des capacités pourrait donner aux communautés autochtones une plus grande autonomie dans la conception et la prestation des programmes. De meilleurs partenariats entre les communautés et les services gouvernementaux visés aideraient à nourrir les compétences et la résilience (en particulier dans les communautés éloignées). Les initiatives futures pourraient également bénéficier d’une association à des programmes autochtones existants, comme l’initiative « Bringing it Home » d’Indigenous Clean Energy, axée sur le renforcement des capacités.

À l’antipode du scepticisme des économistes à l’égard des programmes de rénovation, celui de la Nouvelle-Écosse démontre une vérité importante : les programmes ciblés peuvent vraiment être rentables, même sans tenir compte des avantages moins tangibles que sont les bienfaits pour la santé et le bien-être. À l’heure où les gouvernements cherchent des solutions faciles à mettre en œuvre pour réduire les émissions, le prolongement de programmes plus ciblés comme celui de la Nouvelle-Écosse dans d’autres communautés, autochtones ou non, pourrait avoir des retombées importantes sur plusieurs fronts.


[1] Dans mes calculs, je suppose que ces avantages se prolongent sur 20 ans. Je suppose, par exemple, que le coût de chaque tonne supplémentaire de gaz à effet de serre rejetée dans l’atmosphère correspond à l’augmentation prévue du prix du carbone par le gouvernement fédéral. Selon ce plan, le coût du carbone passera de 40 $/tonne en 2021 à 170 $/tonne en 2030, et restera à ce niveau jusqu’en 2040. Je suppose également un taux d’actualisation de 8 % pour l’estimation basse et de 3 % pour l’estimation élevée.

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