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La reconstruction de notre économie passe par la croissance propre

Les progrès en matière de lutte contre les changements climatique, le bien-être et la prospérité sont intrinsèquement liés.

En 2020, bien des plans sont partis en fumée. Une pandémie et une récession mondiale nous ont plongés dans le chaos, et toute planification est devenue pour ainsi dire impossible – sans parler des prévisions. Mais demain viendra. À l’heure où les entreprises et les gouvernements arrivent bientôt à bout du triage, une crise double les guette : la débâcle économique à court terme, et la catastrophe climatique à long terme. Les changements climatiques ont une influence grandissante sur les marchés. Si le Canada ne suit pas la tendance, son économie risque de souffrir dans les prochaines années.

Comment réorienter notre boussole économique vers des solutions qui répondent à nos besoins à court terme et, parallèlement, préparer le terrain pour notre succès futur? Tout d’abord, il faut définir ce qu’est la prospérité à l’ère des changements climatiques. Nous visons la croissance économique, parce qu’elle est une source d’emplois et de revenus pour les Canadiens, et aussi le point d’ancrage d’un système de santé, d’un système d’éducation et d’un filet social dignes de ce nom. Il faut en outre que cette croissance soit inclusive, c’est-à-dire qu’elle profite à toute la population. Ces objectifs sont liés aux changements climatiques par d’importantes tensions et par des occasions communes. L’exploration de ces liens à travers le prisme des données révélera des pistes de solution tangibles.

À titre d’exemple, la fréquence et la sévérité accrues des catastrophes climatiques peuvent freiner la croissance. La Base de données canadienne sur les catastrophes révèle une hausse constante des inondations et des feux de forêt. Les inondations de 2013 en Alberta et à Toronto ainsi que le feu à Fort McMurray en 2016 ont été les catastrophes naturelles les plus coûteuses des 20 dernières années au Canada. L’argent dépensé par les gouvernements, les assureurs et les entreprises pour dédommager les victimes et réparer les dégâts aurait pu servir à stimuler l’économie plutôt qu’à la panser. Dorénavant, la construction d’infrastructures résilientes aux changements climatiques – et aux événements extrêmes qui les accompagnent – peut rapporter gros en éliminant ces coûts. D’où la nécessité d’investir en tenant compte de l’avenir.

Pour planifier la croissance, il faut aussi admettre que l’économie mondiale favorise de plus en plus les services et les produits sobres en carbone. Autrement dit, la réussite économique repose à la fois sur une croissance de l’économie canadienne et sur une réduction de ses émissions.

Les données indiquent que le Canada est déjà engagé dans cette voie. De 2005 à 2018, cinq provinces ont réussi à réduire leurs émissions tout en faisant croître leur PIB. La Nouvelle-Écosse, par exemple, a enregistré une croissance économique de 14 % et réduit ses émissions de 26 %. Les cinq autres provinces sont parvenues à réduire la croissance de leurs émissions par rapport à leur PIB, mais n’ont pas encore « aplani la courbe » pour dissocier pleinement les émissions de la croissance. L’accélération de cette tendance améliorera les chances du Canada de prospérer alors qu’évoluent les marchés mondiaux et les préférences des investisseurs.

D’où viendra la prochaine vague de croissance à faibles émissions? Et où les défis se situent-ils? Les données sur l’économie et les échanges nous offrent des indices.

En 2012, par exemple, les exportations de technologies et de produits « propres et écologiques » se chiffraient à environ 9 milliards de dollars. En 2018, elles avaient atteint presque 12 milliards. Si cette croissance se poursuit au même rythme jusqu’en 2050, les exportations pourraient atteindre les 37 milliards. Un chiffre impressionnant, mais qui ne fait pas le poids face aux 90 milliards que le Canada a générés avec ses exportations de pétrole en 2018. Cela dit, pour stimuler sa croissance, le pays pourrait aussi miser sur des secteurs qui ne sont pas parfaitement « propres ». Vu la transition vers l’électricité renouvelable et les véhicules électriques, par exemple, la demande sera forte pour certains minerais et métaux. Le Canada bénéficie déjà d’un essor de la demande pour ces matières, et il y a encore du potentiel de croissance.

Le lieu de la croissance sera tout aussi important que son ampleur. L’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique génèrent environ 80 % du PIB et du commerce liés aux technologies propres et écologiques. Mais ce ne sont pas les provinces dont la croissance et les emplois sont les plus menacés par la transition mondiale vers la sobriété en carbone. L’économie de l’Alberta et de la Saskatchewan est inextricablement liée à la production d’émissions de GES, et la province de Terre-Neuve-et-Labrador peine à séparer croissance économique et hausse des émissions. Pour remporter la lutte contre les changements climatiques, il faut accélérer la croissance propre à l’échelle du Canada.

Bien sûr, on ne saurait se contenter d’analyser les données. La progression passera aussi par les politiques gouvernementales. Les décisions des prochaines années détermineront si notre économie est capable d’un essor en période de changements climatiques et de transition mondiale vers la sobriété en carbone. Des investissements ciblés pourront nous aider à surmonter les obstacles au développement technologique et à la croissance propre. En continuant d’élargir les politiques climatiques qui stimulent l’adoption de technologies vertes et font monter la demande de biens et de services sobres en carbone, nous encouragerions les investissements privés dans des sphères qui favorisent la prospérité à long terme.

La crise de la COVID-19 aura été une excellente leçon sur la planification à long terme : avec un peu de prévoyance, nous aurions pu éviter le gros des coûts associés à la fermeture de l’économie et à sa reprise difficile. Et il y a de quoi réfléchir, sachant que nous aurions pu être frappés par un virus pire encore, et qu’il est pratiquement certain que les graines de la prochaine pandémie sont en train de germer quelque part dans le monde.

À certains égards, les changements climatiques sont tout aussi imprévisibles, mais nous en savons suffisamment aujourd’hui pour être en mesure de surveiller les grands facteurs qui permettront au Canada de résister aux futurs soubresauts. L’heure n’est pas au relâchement : nous n’avons pas le luxe d’attendre un « meilleur moment » pour passer à l’action. Il faut plutôt que les gouvernements utilisent les données pour concentrer leurs efforts là où une progression accélérée nous permettra d’atteindre nos objectifs tant économiques que climatiques.

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