D’ici à zéro: Le Canada compte atteindre la cible de zéro émission nette d’ici 2050. Et ensuite?

Avant de remplir sa promesse, le Canada doit d’abord définir ce que représente au juste, pour lui, le fait d’atteindre la cible zéro émission nette.

Crédit photo : Bright Autumn Color

Le Canada a fait son entrée dans un club exclusif lorsque son gouvernement fédéral a promis de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à atteindre la cible « zéro émission nette » d’ici 2050. Quoique modeste, ce club regroupe de plus en plus de pays, d’États, de provinces et de villes. Et sa promesse ne semble pas vide non plus. En effet, Environnement et Changement climatique a reçu le mandat de diriger « les efforts déployés à l’échelle du gouvernement pour élaborer un plan visant à assurer un avenir prospère et zéro émission nette d’ici 2050 pour le Canada ».

Mais avant de remplir sa promesse, le Canada doit d’abord définir ce que représente au juste, pour lui, le fait d’atteindre la cible zéro émission nette. Pour l’instant, c’est une idée noble mais abstraite, qui signifie peut-être même des choses différentes pour les uns et les autres. Plus de recherches et de données ne feront pas de tort.

Zéro comme dans plus rien du tout?

Pour atteindre la cible zéro émission nette, il faudra réduire nos émissions de beaucoup. Il faudra arrêter d’utiliser les combustibles fossiles pour la production d’énergie, et donc trouver des solutions de rechange moins polluantes, comme l’électricité renouvelable et les combustibles à émissions faibles ou non existantes. Un autre facteur important sera l’amélioration de l’efficacité énergétique et de la flexibilité, qui se traduira par un meilleur stockage de l’énergie.

Pour atteindre la cible, il n’est pas nécessaire d’éliminer toutes les émissions partout, mais seulement d’éliminer la « portion nette » qui est relâchée dans l’atmosphère (sur une période donnée). C’est pourquoi il est possible pour le Canada d’y arriver d’ici 2050 même sans une décarbonisation complète. Sur une période donnée, donc, il faudra compenser les émissions au moyen de technologies nouvelles qui captent, stockent et utilisent le carbone à l’aide de techniques traditionnelles, comme la sylviculture, ou en réduisant les émissions relâchées à l’étranger lorsqu’il est possible de les vérifier. Plus on coupe dans les émissions à la source, moins on a besoin de les compenser pour atteindre la cible zéro émission nette.

Zéro n’a jamais paru si gros

Les avantages que promet un virage zéro émission nette d’ici quelques décennies sont énormes. Il sera possible d’éviter les répercussions extrêmes du scénario d’émissions élevées, comme la hausse du niveau des océans, les graves sécheresses, les inondations et les ouragans, et d’assurer la santé et la sécurité de millions, voire même de milliards, de personnes, notamment les plus pauvres et les plus vulnérables. Moins de gens seront contraints d’abandonner leur maison et de fuir leur pays, et moins d’argent ira à fortifier les immeubles résidentiels et commerciaux pour qu’ils résistent aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Même si ce n’est pas toujours flagrant, la transition mondiale vers une économie sobre en carbone a bel et bien été entamée. Plus de 60 pays se sont engagés à atteindre la cible zéro émission nette d’ici les trente prochaines années, donnant ainsi suite à l’Accord de Paris, conclu en 2015 par divers pays et visant zéro émission nette d’ici la deuxième moitié du siècle. S’il est vrai que certains gros pollueurs, comme les États-Unis, tardent encore à s’engager, plusieurs États américains, comme la Californie et New York, de même que certaines grandes villes américaines, prennent les devants.

Moins de temps, plus de travail

Zéro émission nette d’ici 2050, c’est l’objectif climatique le plus ambitieux jamais établi par le gouvernement canadien. Cette cible fondée sur des données scientifiques concrètes illustre la volonté du pays de se poser en chef de file sur la scène internationale.

Toutefois, impossible d’ignorer le fait que le Canada n’est pas un as des cibles. Il n’a pas su atteindre celles de Rio, de Kyoto ou de Copenhague et est encore bien loin – à tous les ordres de gouvernement – d’atteindre celle de la réduction des émissions pour 2030. Notre passé n’est pas garant de notre avenir, mais il ne faut pas l’oublier pour autant.

En comparaison de toutes celles d’avant, la cible de zéro émission nette d’ici 2050 sera la plus difficile à atteindre. C’est que la portée et l’envergure de la transition à faire, tout comme la vitesse d’exécution nécessaire, sont sans précédent. Après tout, le Canada est l’une des économies les plus intensives en émissions. Il faudra donc transformer de fond en comble le système énergétique et décarboner la plupart des secteurs… et le Canada n’a que 30 ans pour le faire. Ce n’est probablement pas impossible, mais la barre est haute. Et avec chaque année passée à traîner de la patte, cette barre continue de monter.

Comme le gouvernement fédéral ne réussira pas tout seul, il sera essentiel de combler tous les fossés entre les différents ordres de gouvernement. Or, mis à part en Nouvelle-Écosse, plusieurs législatures provinciales ont une position défavorable à l’égard de la cible de zéro émission nette. Étant donné qu’une bonne partie des émissions au Canada relèvent d’une compétence provinciale ou municipale, la clé, c’est la collaboration.

Premiers pas sur un long chemin

Des données et des analyses plus exhaustives nous aideraient à tous les égards. Pour l’instant, nous restons dans le brouillard face à la transition vers le zéro émission nette, et même face aux mesures que le Canada devra prendre pour relever le défi d’ici 2050. Mais les données et les analyses peuvent nous aider à cerner les secteurs et les communautés aux prises avec les plus gros défis, de même qu’à définir des politiques qui permettraient de les surmonter.

Par ailleurs, les données et analyses peuvent nous aider à établir une vision commune des objectifs du pays. Si l’information est plus abondante et de meilleure qualité, elle peut rendre l’abstrait plus clair et plus précis. Concrètement, elle justifierait l’urgence de couper dans les émissions.

Appuyé par la science, le Canada a fait ses premiers pas sur un chemin long et ambitieux. Le gros du travail est commencé, mais nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut définir et vite ce que représente, pour le pays, le fait d’atteindre la cible zéro nette, et déterminer comment y arriver.

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